L'Histoire sans fin par 0eil
Depuis que j'ai vu Labyrinthe, je ne sais pas ce qu'il me prend, j'ai une espèce d'appétit improbable pour les films avec des marionnettes, de la fantasy et des années 80's. Je mets cela aussi sur le dos de la proximité avec les fêtes de fin d'année, qui me font annuellement ressortir ma liste de film de Noël. Elle s'étale de "Maman, j'ai raté l'avion" à "Die Hard". Enfin bref, pour combler cet appétit de marionnettes, Dark Crystal et Legend furent vu à leur tour, mais j'avais encore grand fin. L'histoire sans Fin, pourtant, était d'un autre acabit : j'avais déjà vu ce film étant jeune et j'avais adoré - forcément. Lire un bouquin et être transporté dans son univers rien que par la lecture ? Mais ouais, frère, bien sûr que ça me branche ! Rendez-vous - again - fut donc pris avec ce film de mon enfance, le genre que je regardais en boucle, et surtout à la période de Noël. Coup double.
Donc, L'Histoire sans Fin narre l'histoire de Bastien, orphelin de sa mère, légèrement incompris par un père portant la moustache (comment vouliez-vous que son père le comprenne, IL A UNE MOUSTACHE !) et, en prime, bouc-émissaire pour les petites brutes de sa classe, qui le postent régulièrement dans les poubelles. Pas de chance. Pour leur échapper, il entre un jour dans une libraire un poil étrange où, comble de l'égarement, le bougre pique un bouquin que le libraire lui dit être dangereux. On aura tout vu. De retour à l'école, il se rend compte qu'il a raté son cours et s'enferme dans un véritable grenier à l'ancienne, plein de chauve-souris, de crânes et de toiles d'araignée, et y débute la lecture du livre. Ce dernier, lui, raconte l'histoire d'Atreyu, espèce d'indien, qui doit sauver le Royaume de Fantasia du Néant, force ravageuse qui avale tout sur son passage.
Déjà, autant le dire, quand j'étais petit, je m'identifiais sans mal à Bastien et j'aurais kiffé être Atreyu. En même temps, le gaillard a des cheveux longs mais parfaitement bien entretenus, il balance des répliques badass au grand chef de l'impératrice, il parle le cheval et son cheval le lui rend bien. Bref, il est cool. Pas comme cette relou d'impératrice, d'ailleurs. Enfin, on y reviendra ; d'abord, j'entends venir les sabots bruyants des détracteurs de ce superbe film et on ne peut guère leur en vouloir : oui, le film a salement vieilli. Ouais, les incrustations piquent souvent les yeux, ouais, certains décors sentent bon le carton des enfers. Et ouais, certains acteurs ont l'air tellement ailleurs que c'en est presque violent (notamment l'impératrice, d'ailleurs, mais l'actrice n'avait que 11 ans, alors on lui pardonnera cet air défoncé à la colle qu'elle arbore). La musique n'entrera pas dans les annales non plus... D'autant que, je le dis et le répète, le film souffre de l'effet "fantasy des années 80". Un effet qui veut que l'on chie allègrement sur la cohérence pour aligner un maximum de lieux bizarres et horrifiques, donnant à l'intrigue une gueule de patchwork. L'instant d'avant, le mec marche dans un canyon, l'instant d'après, il est en pleine toundra - et en t-shirt, en prime.
Mais bon sang, c'est assumé, alors arrêtez un peu : on est à Fantasia, c'est un peu normal qu'il s'agisse là d'un univers dont les lieux soient si particuliers ! Et à défaut d'avoir des décors qui butent, les marionnettes sont franchement sympas et les personnages plutôt atypiques mais bien cool (mention spécial au rebeu déguisé en chapelier fou et doublé, en français, par la voix de Rick Moranis, j'avoue que lui, il mériterait un spin-off). En fait, la qualité de l'ensemble est de parvenir à susciter des personnages dont on ne sait rien, mais dont on aimerait apprendre plus, bien qu'on en entende plus parler jamais après - ce qui est salement dommage. Mais parvenir à intriguer facilement en quelques secondes, c'est fort. D'autant qu'il y a de l'émotion, ça, c'est clair. On parle sans mal des marécages de la mélancolie, le moment assez incroyable (où l'on découvre qu'un cheval éprouve de la mélancolie, si : "ah, tu sais, Atreyu, je repense à cette jument avec qui je batifolais dans le foin, si seulement je lui avais henni mon amour"). Et la fin du mangeur de pierre, hein ? Ce sont des mains bien vigoureuses, non ? Même la séquence avec Gmork fait frissonner, entre peur et fascination, pour ce méchant finalement très effacé, tenant plus de la menace hantant les pas du héros que du véritable antagoniste et qui trouve dans la mort une certaine noblesse. Certes, le côté fantasy crée une sensation de film à sketchs, comme souvent, mais au moins, ce sont de très bons sketchs, de très bonnes séquences qui, mises bout à bout, donnent lieu à des péripéties bien sympathiques.
Au final, on tient là un film qu'il faut regarder avec une bonne âme d'enfant : ça a un peu vieilli, c'est sûr, ça a même beaucoup vieilli mais l'émotion reste vive malgré tout. Et puis, ce manque de cohérence, pour une fois, fait parti de l'univers, qui lui-même est, de l'aveu de l'antagoniste, un long patchwork, amorçant à chaque fois un nouveau récit, dont aucun n'a de fin. Hé ouais, pas con l'Oeil. Du coup, on pardonnera même le final un peu marchant sur la tête avec la fameuse Impératrice qui claque un magnifique "ah nan mais t'as fait tout ça pour du zob, mon cher Atreyu" et qui aurait bien mérité une fureur du dernier des mohicans dans sa face. Bon, à part ce twist légèrement pouet-pouet, l'histoire (sans fin, donc) se laisse suivre et c'est quand même avec un certain plaisir qu'on retrouve certains personnages (j'ai juste oublié aussi le nomade et sa chauve-souris, ainsi que Falcor, le dragon porte-chance plutôt cool !).