Dans sa petite vie maladroite et grise où bobonne fait la loi, une semaine de liberté est accordée à Albert.
C’est donc l’occasion d’une passade lors de laquelle il se retrouvera malgré lui avec le cadavre de la fille facile dans les bras.
Duvivier s’amuse, et Fernandel encaisse les catastrophes en enfilant comme des perles tous les poncifs du polar de seconde zone. Richissime américain, croqueuse de diamants, amant vénal, trafic, corruption, chantage, tout y passe. Mais c’est justement cette accumulation assumée qui fait mouche : l’idée est bien d’amonceler les cadavres avec nonchalance et de croquer des types dans les seconds rôles qui font la part belle à des dialogues souvent ciselés.
On retiendra bien entendu la prestation de Bernard Blier éclipsant clairement celle des autres, enfoui sous une barbe improbable et affublé d’un petit roquet à sa mémère, parfait salopard au sourire constant, cherchant là où il peut à mener son chantage.
Le film a quelques longueurs, notamment dans les scènes consacrées à Fernandel, seul avec son œuf au plat ou tentant de se débarrasser d’un paquet gênant. C’est davantage dans sa confrontation aux autres qu'il est efficace, et surtout dans le regard satirique qu’il pose sur la population qu’il évoque. Si les gangsters sont évidemment des escrocs, c’est surtout l’attitude des bonnes gens qui amuse : mensonge, trahison, couardise : personne ne sort gagnant du jeu de massacre, et l’on apprécie de voir les amis jurer sur la tête de leur épouse (qu’ils trompent) voire sur celle de leurs enfants (qui n’existent pas).
C’est aussi dans le souci du détail que le film se démarque : le regard porté sur le second plan (notamment dans les répétitions au Châtelet, où le spectacle parait aussi grossier que son metteur en scène), un gangster qui jongle, un bulletin météo absurde où l’on prédit tous les temps possibles, ou une prédisposition pour aller regarder dans l’entrebâillement des portes. De ce fait, la présence des deux personnages principaux toujours au mauvais endroit, au mauvais moment, est particulièrement opportune : elle permet à Duvivier de donner accès aux coulisses crapuleuses d’une société propre sur elle.
Moins radical que le superbe Panique, (mais avec un sens visuel toujours accru, notamment dans cette façon de filmer les cages d’escalier), moins romanesque que Pépé le moko, L’homme à l’imperméable est enlevé, acide et efficace. Autant de qualités qu’on recherche beaucoup de nos jours dans le cinéma français.