(J'espère que vous êtes content pour une fois)
Le cinéma muet est l'art de l'étonnement. L'art de remettre en question le cinéma dans ce qu'il a de plus simple, de plus pur, de plus vital. Le cinéma comme simple matière brute, expérimentale, des images. Vidées de tout encombrement, de toute corvée, de tout fardeau. Apparaissant ça et là comme simple unicité, nature, genèse d'un art qui se tient là à fleur de peau, juvénile innocence d'un cinéma qui dès lors, n'a même pas 40 ans.
L'homme à la caméra retranscrit parfaitement cette impression d'une fragilité rare, indicible, unique. Unique dans son époque toute entière, présentement révolue à jamais. Alors nous regardons le monde de nos yeux de spectateurs. Mise en abîme d'une séance de cinéma, où les spectateurs d'un film boivent de leurs yeux l'écran de la vie.
La rareté alors, pour le spectateur que nous sommes, d'aller voir un film muet au cinéma. Et nous avons tort, bien tort, infiniment tort. Car les images muettes au cinéma, accompagnées de leur traditionnel envoûtement musical, prennent leur existence en pleine face des spectateurs, deviennent viscérales, grandes, immenses. Beauté de ses regards, de ses rires, de ses chevelures courtes sur le visage des ses femmes, de ses vêtements, de ses façons d'être au monde.
Beauté d'un monde parallèle en noir et blanc, rêverie rêvée d'une phrase de Jean Cocteau qui prend alors son entière existence dans toute sa vérité.
Celle que voilà alors, d'une effarante exactitude.
Un film n'est pas un rêve qu'on raconte, mais un rêve que nous rêvons tous ensemble en vertu d'une sorte d'hypnose, et le moindre défaut du mécanisme réveille le dormeur et le désintéresse d'un
sommeil qui cesse d'être le sien
Jean Cocteau