Nouveau film du réalisateur espagnol Alberto Rodriguez, dont le dernier intitulé La isla Minima avait remporté un succès mérité, L'homme aux mille visages ('El hombre de las mil caras') pêche par sa suffisance.
Nominé pour ses quatre derniers films au prix Goya du meilleur scénario, et même vainqueur de celui-ci pour le dernier opus qui avait également eu une bonne réception hors du territoire, il était normal qu'on s'attende à un travail au moins aussi correct. Or, bien que la presse, patriote et fière du réalisateur qu'elle veut faire passer pour la nouvelle figure de proue du cinéma national, soit enthousiaste, elle s'émeut plus du fait divers qui avait alors secoué le pays (une grande affaire de corruption) et de ses échos politiques actuels qu'elle n'analyse la qualité intrinsèque du film, ne faisant pas assez preuve d'objectivité. Il semblerait donc tout à fait injustifié qu'il bénéficie de la même reconnaissance cette année, tout du moins au-delà de ses frontières.
En effet, s'il s'était distingué par son originalité dans le passé, A. Rodriguez ne fait guère plus qu'un film de genre au goût de déjà vu, nous rappelant vaguement par le thème de la grande arnaque puis du jeu du chat et de la souris entre criminel et policiers Catch me if you can de Spielberg, L'instinct de mort / L'ennemi public n.1 avec V. Cassel (sur Jacques Mesrine), ou plus récemment American Bluff, mais avec une maîtrise nettement inférieure.
S'il est vrai que tous les ingrédients sont réunis pour faire un bon cocktail (une affaire bien scandaleuse où l’État est dupé et ridiculisé, des acteurs de choix et de belles «poupées», des répliques souvent cinglantes, des costumes et un décor vintage, une musique entraînante, une action nerveuse qu'excite la nicotine puis calme des verres de vin), ce nouveau policier nous paraît un divertissement bien fade. La faute non seulement à une intrigue trop confuse mais principalement à un mauvais montage qui crée un rythme déséquilibré, nous faisant passer d'une poussée d'adrénaline au début à un ennui qui va croissant pendant l'heure qui suit pour enfin nous réveiller dans les dernières minutes. Après un début jouissif qu'une caméra toujours en mouvement exaltait, fallait-il accorder autant d'importance à la planque interminable du personnage inculpé en s'attardant sur des détails et des analepses venant certes prouver la réalité des faits mais minant la diégèse?
Ce parti pris a finalement privé le film d'une meilleure réalisation à laquelle il aurait pu prétendre mais qui, quoi qu'il en soit, ne l'aurait certainement pas élevé à la hauteur de ceux cités auparavant.