Des propos pertinents, un regard acerbe sur le milieu investi, sont certainement disséminés là-dedans. Le souci, c’est qu’une trajectoire politique ne saurait combler l’impression de douloureuse éternité qui préside au visionnage de L’Homme aux mille visages. Tout file à toute allure, et pourtant nous ne comprenons goutte, et pourtant l’ensemble paraît se traîner comme une mule à l’agonie qu’on ne pourrait achever. La construction par petits clips superposés transforme le spectateur en mauvais élève qui, pendant la leçon d’histoire, tourne les pages de son manuel dans tous les sens. Sur l’affiche cependant, nulle indication qui dirait « faites vos révisions » ou « apprenez l'histoire espagnole ». Dès lors, on laisse filer. Et ça s’agite et ça s’agite. La précipitation à l’écran, le montage nerveux, évoquent les productions américaines de casse où les gangsters courent plus vite que les policiers. En bref, c’est du déjà-vu. Pas de chance, Alberto Rodriguez n’est pas Martin Scorsese, et l’énergie dont il sature chacune de ses scènes fait l’effet d’un pétard mouillé. Illisible, et fier de l’être, L’Homme aux mille visages est aussi exténuant qu’inintéressant, mais ravira sans nul doute les spécialistes en politique internationale ou, faute d’experts, le peuple critique moutonnier.