Le confidence man, figure fondamentale des Etats-Unis ; viens jusqu'à nous. Et cela dès qu'il le peut.
L'arnaqueur se décline en plein de variantes. Il y a l'arnaqueur malade, l'arnaqueur aux intentions belliqueuses, l'arnaqueur aux intentions pécuniaires, l'arnaqueur aux intentions vengeresses. Et que savons-nous de plus ?
Ici, il s'agira de l'arnaqueur sentimental. Il est certainement lui aussi un peu amoureux. Mais ce n'est pas cela qui le définit. Il fait croire qu'il est quelqu'un puis un autre, et encore un autre ; cela autant qu'il le peut, avec son seul, et même visage. Il ment tout le temps, à n'importe qui ; et surtout, plus particulièrement, il ment aux femmes qu'il tente de séduire. Lorsqu'elles tombent amoureuses, elles finissent par lui donner plus qu'elles ne donneraient à un voleur de devises, elles lui donnent une confiance, une admiration, un amour réel. Et c'est cela qui rend l'acte cruel. L'amour pouvant exister grâce à notre seule innocence. On prend toujours le risque de faire le don de notre amour à quelqu'un qui nous fera vivre un enfer. Ce qui fait que la responsabilité en est donné au bien-aimé.
Mais comment ce fait-il que cet homme ne semble n'avoir qu'une seule intention derrière tous ces mensonges destructeurs, c'est-à-dire collectionner les rencontres et les identités par la même occasion. Tout cela pour quelque chose qui n'est pas l'argent. Peut-être une forme de reconnaissance sociale aux contacts d'inconnus dans des relations privilégiés. Ce n'est donc pas la recherche de la célébrité non plus.
Dans ce cas, on parlerait d'un collectionneur. Comme un homme obsédé par le contrôle, il se sent incapable de devoir dire quelque chose qui ne correspondrait pas à tous ses critères d'idéal. L'homme idéal ne pouvant pas collectionner, car supérieur, doit s'en cacher socialement. Et faire semblant qu'il se connaît assez pour se dévouer à une chose et à une seule chose.
Stop
Je crois que l'on tient, le petit quelque chose ; je m'auto-cite : "faire semblant qu'il se connaît assez pour se dévouer à une chose et à une seule chose."
Voilà, c'est ça ;
L'homme aux mille visages est un homme perdu qui coure, car il n'a pas de racines et paradoxalement, il pense qu'en courant, qu'en levant le pied immédiatement après l'avoir posé, il pourra obtenir ce qu'il n'a pas. Il pense ressentir une stabilité, une identité en courant, en étant hors-sol. Alors qu'en courant, il n'appartient qu'à une seule et unique chose, lui-même. Il est insaisissable.
Pourtant, cela pourrait avoir un sens, à deux conditions sinéquanones ; s'il s'arrêtait un moment de mentir, et s'il s'arrêtait un moment de collectionner.
Et là se mettre à courir aurait un sens. Courir, ici, veut dire ; agir. Agir concrètement, agir matériellement.
Bien sûr, il sert une idée, la recherche de son meilleur potentiel. Et portant, il ment à tout le monde, mais surtout à lui-même. Il pense que ce qu'il y a de mieux en lui doit se déclarer, se croire ; alors que cela n'est que symptomatique au long terme. Jamais au grand jamais nous sommes bon, cru, aimé un jour puis nous gagnons ce titre pour toujours. Non. Nous sommes tout cela, le meilleur de nous-même ; dans un corpus d'événements et de périodes. L'ensemble interagit et mène à notre véritable identité. Un chapitre n'a jamais de sens individuellement. C'est une histoire qualitative que notre vie raconte, et pas quantitative. On ne devient pas nous-même en se levant le matin, on le devient en prenant au corps ce que nous avons fait et ce que nous feront. Nous existons par notre entièreté. Ignorer cela est évidemment facile, compter les moments de bonheur, c'est les détruire. Facile, mais dramatique, dramatique dans sa drôlerie et sa bêtise, sa cruauté pour soit et les autres.
Le documentaire ne raconte pas cela par sa narratrice. Maintenant, si l'on regarde le film de bout en bout, ces images le raconte.
Toute la force du documentaire, c'est de filmer des émotions bien réelles grâce à une histoire dont les sujets sont les principaux protagonistes désignés et incarnés. Il n'y a pas d'acteurs sous le chapiteau du documentaire. Le documentaire met en scène ce qu'il y a de prosaïque. C'est une clef anti-imaginative. On ne demande pas à un documentaire d'être créatif dans sa mise en scène, mais de laissé le plus de place à la captation. L'imaginaire, lui, appartient à la fiction. C'est ce qui fait que l'imaginaire a quelque chose de sacré malgré son aspect factice. C'est qu'il dépasse ce que la physique nous autorise. Alors nous sommes dévoués à cette fiction qui nous permet d'imaginer avec confort et enthousiasme sans se restreindre.
Le documentaire est donc bien différent. Mais c'est une belle approche pour parler d'un sujet comme celui de l'arnaqueur.
Un film à voir.
P.S : désolé, aujourd'hui, j'ai écrit une critique plus cryptique que lisible.