L'Homme d'à côté par Queen-Bitch
L'homme d'à côté – le voisin que Le Corbusier n'avait pas prévu, quatrième film du duo Mariano Cohn et Gaston Duprat, est un film léger et grave à la fois, sur le conflit, les relations humaines et leur hypocrisie, traités avec humour.
Leonardo ( Rafael Spregelburd), designer argentin très en vogue, vit dans la maison Curutchet, seul bâtiment construit par Le Corbusier en Amérique Latine – symbole peu subtile de sa réussite financière et intellectuelle. Un matin, il est réveillé par les travaux de son voisin, Victor ( Daniel Aráoz), un individu qui est son antithèse parfaite. Il découvre alors que celui-ci est en train d'installer une fenêtre donnant directement sur son salon et sa vie. Voici le point de départ d'un conflit de voisinage somme toute assez banal, entre deux caractères, milieux culturels et sociaux opposés. Si Leonardo croit dominer intellectuellement son voisin, son manque de confiance et sa peur du conflit ouvert (que l'on retrouve également dans ses relations avec sa femme et sa fille) le mettent constamment en difficulté.
La fluctuation de l'identification est bien calibrée, notre empathie va tour à tour à l'un puis à l'autre, dans cette situation insoluble. La complexité des relations humaines, où rien n'est jamais blanc ou noir – il y a beaucoup de gris – est très bien représentée, et avec beaucoup d'humour. Un humour qui est très léger car il découle naturellement de l'absurdité des situations. Cette légèreté apparente cache la profondeur du conflit et la violence de ses répercussions sur les personnages.
Malgré la banalité du propos, sa quotidienneté, le fait qu'une résolution satisfaisante pour les deux parties soit impossible donne toute son intensité au film. Une simple querelle de voisinage devient alors le nœud d'un affrontement tragique puisque sans issue. Le conflit fait office de révélateur de caractère et permet ainsi de percer la façade de réussite bourgeoise dressée par Leonardo. Tout de suite la tension se noue autour de la peur de Leonardo d'être vu, cette possible fenêtre ouverte sur sa vie le terrorise. Ce qui apparaît d'abord comme une volonté légitime d'intimité vire progressivement à la paranoïa, une paranoïa très intériorisée qui ne montre toute son envergure que dans les dernières minutes du film. Une exploration intéressante de l'âme humaine et de ses méandres.