Raphaël est gardien d'un manoir dans le Morvan. Il partage un pavillon avec sa vieille et autoritaire maman sur le domaine.

Raphaël est physiquement différent, borgne, massif, sa carrure et son visage impressionnent. Il entretient le jardin, partage une relation avec la postière qui dirige leurs ébats sado-masos, joue de la cornemuse dans le jardin et fait partie d'un groupe de musique folklorique local le groupe Terra Gallica. La vie est calmement et monotonement rythmée, sans surprise. Jusqu'à ce qu'une nuit, la propriétaire du domaine débarque, sans bagage, le rimmel dégoulinant. Raphaël lui prépare une chambre et dès le lendemain, il la sauve d'un suicide raté au Lexomyl.

En préambule, la réalisatrice nous met sur la voie en nous précisant estimer qu'il y a un manque dans le cinéma. Aucun film ne parle de muse au masculin. Voilà qui est réparé puisque la propriétaire du domaine, Garance (interprétée par Emmanuelle Devos) est une artiste plasticienne aux oeuvres plutôt singulières... Elle a recueilli ses propres larmes dans des flacons qu'elle a annotés suivant les évènements. Elle a tatoué son corps comme les découpes d'un boucher... Elle va regarder Raphaël, non comme un monstre, mais comme un paysage. "Vous m’inspirez comme un paysage en changement, accidenté, un canyon, rien d’attendu, rien de précis." Et en effet, elle va sculpter le corps et le visage de cet homme différent, en faire une oeuvre. Le lien subtil, ténu qui va se tisser entre l'homme du peuple et cette bourgeoise est d'une grande délicatesse basé sur la confiance. Et on peut presque parler de rencontre romantique, mais d'un genre nouveau, entre un cyclope qui cherche à se faire oublier et une femme belle et puissante qui ne cesse de s'exposer.

Lorsqu'il découvre que Garance a commencé son oeuvre à son insu, il peut craindre qu'elle en fasse un Golem, un monstre repoussant. Il n'en est évidemment rien et la réalisatrice choisit la douceur pour nous conter cette histoire pas comme les autres.

Le formidable acteur Raphaël Thiéry présent et chaleureux nous l'affirme : "certains films se regardent avec le coeur".

Il a raison et celui-ci est de ceux-là.

P.S. : Les intermèdes musicaux sont magnifiques.

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le 14 oct. 2023

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