“Toute âme est otage de ses actions.”
L'homme de l'Arizona est une des meilleures collaborations entre le comédien Randolph Scott et le réalisateur Budd Boetticher. Un western sauvage sur un scénario de Burt Kennedy qui traite d'un héroïsme désuet et fataliste face à la cruauté humaine. Dans un récit, on suit généralement les évènements en respectant leur succession dans une chronologie de ton instauré dès le départ qui favorise l'anticipation du public, élément auquel le cinéaste tord le cou en renversant l'ordre établi par une approche intelligente qui instaure un climat plus surprenant et vivant qui tient le spectateur en haleine. Le tout, accentué par une réalisation soignée à la mise en scène astucieusement nourri par des décors désertiques perspicaces et sagaces qui ajoute toujours plus de sensation désespérée au propos de l'intrigue. Une intrigue qui n'échappe pas à quelques artifices faciles mais dont on s'accommode au crédit de l'approche originale du récit.
Le récit commence à travers un ton léger, paisible et souriant durant lequel on découvre Pat Brennan (Randolph Scott) en direction de la ville afin d'y acheter un taureau pour son ranch. Sur la route, Brennan fait un petit détour chez des amies illustrées par un vieil homme Hank Parker (Fred Sherman) et son jeune fils Jeff Parker (Chris Olsen) qui lui confie la tâche de ramener des sucreries. Une fois en ville, Brennan rencontre Rintoon (Arthur Hunnicutt) avec qui il fait un pari en misant son cheval pour obtenir le fameux taureau. Celui-ci perd et se retrouve à pied et bredouille. Durant le chemin du retour, Brennan fait un détour pour retrouver ses amies afin de leur remettre les sucreries, cet alors qu'il croise une diligence transportant les jeunes mariés : Doretta (Maureen O'Sullivan) et Willard Mims (John Hubbard) avec qui il a une petite conversation. Jusque-là, l'intrigue prend son temps, commençant par beaucoup d'innocence et de sourire avec un homme ordinaire et souriant qui s'entend avec tout le monde.
Un western très ordinaire que l'on pense avoir déjà vu 100 fois et qui tout à coup prend brusquement en vitesse une fois le premier quart d'heure passé, devenant une lutte sous tension pour la survie des personnages avec l'arrivée de trois hors-la-loi impitoyables avec Frank Usher (Richard Boone), Chink (Henry Silva) et Billy Jack (Skip Homeier). L'intrigue change alors drastiquement de ton, bouleversant l'ambiance initialement établie en allant à son opposée par une violence et une cruauté étonnante pour un western de cette engeance. Le réalisateur Budd Boetticher livre un travail ingénieux en adoucissant volontairement dans un premier temps le spectateur, puis en délivrant sans prévenir un uppercut puissant qui vous retourne et qui laisse jusqu'à la fin une douleur à l'estomac qui persiste. Afin d'installer un climat austère venant radicalement contre-balancé l'atmosphère paisible, plusieurs atrocités se produisent. Une approche non conventionnelle qui fonctionne habilement et parvient de par certains actes odieux à poser un contraste inquiétant et fataliste qui laisse songeur quant au sort des personnages qui pourraient ne pas sortir vivant de ce périple. Budd Boetticher accentue astucieusement et violemment la trame initiale avec des événements agressifs qui se déroulent sans temps mort jusqu'à la conclusion, qui laisse place à un affrontement survolté sans héroïsme abusif.
Le casting est excellent avec des jeux d'acteur de premier ordre qui fournissent au comédien Randolph Scott une base stable lui permettant de livrer une performance convaincante. Randolph Scott en tant que Pat Brennan, éleveur captif qui doit faire appel à toute son ingéniosité ainsi que son courage pour espérer ressortir vivant de cette situation désespérée, est solide. La relation qui l'unit à Frank Usher, le chef des bandits incarné par un Richard Boone concluant, est surprenante et complexe. Usher épargne la vie de Brennan pour un temps car il l'estime en tant qu'homme sincère et confiant qui n'a pas froid aux yeux, et ce régal de leur conversation, élément dont celui-ci ne peut jamais pleinement profiter avec ses deux acolytes qu'il estime nullement. Maureen O'Sullivan sous les traits de Doretta, livre une performance discrète en correspondance avec son personnage fragile qui offre à Randolph Scott, une partenaire crédible de par son âge rapproché du comédien principal. John Hubbard en tant que Willard Mims présente un personnage magnifiquement détestable.
CONCLUSION :
Le réalisateur Budd Boetticher suivi de son fidèle acolyte le comédien Randolph Scott offre un western étonnant qui après un démarrage délibérément lent, se transforme en un véritable survival avec une tension dramatique savamment nourrie par des événements choquants, parfaitement appuyée par une réalisation soignée ainsi qu'un casting investit.
L'homme de l'Arizona est un western atypique dans la forme qui parvient magnifiquement à prendre le spectateur à contre-pied.