Et si Jésus ressuscitait chez les Américains, le tueraient-ils?
De Christ il n'est guère question, sauf à la fin du film: 25 décembre, veille de Noël, John Doe, comme on l'appelle, va-t-il revivre? C'est à ce moment qu'on le présente officiellement comme une figure christique, faisant le Bien autour de lui, propageant la paix chez les ennemis, scellant l'alliance avec l'Autre, prêt à se sacrifier pour l'humanité. Jusqu'à alors, le discours à teneur religieuse était absent: il y était surtout question de politique, de médias, des mœurs américaines, de l'esprit grégaire du peuple, entre autres. Beaucoup de thèmes importants abordés donc, ce qui n'est pas sans conséquence : Capra s'y emmêle un peu les pinceaux, surtout à la fin.
Cependant sa peinture d'un monde cynique et sans pitié, où les patrons licencient sans scrupule, où les femmes sont vénales, où les grands décideurs se réunissent secrètement pour comploter, où le peuple lui-même est cruel et facilement influençable, est remarquable et toujours d'actualité – même si de nos jours la « communication » comme on l'appelle si joliment, et qui s'apparente plutôt à une manipulation organisée des masses, est plus subtile, plus insidieuse, car les citoyens sont un peu plus avisés et donc moins crédules. Certes, on frôle parfois la caricature – mais au fond tous ces gens-là ne sont-ils pas caricaturaux dans la « vraie vie » ?
Mention spéciale aux discours, poignants, exemples pour bien des communicants. Et au jeu d'acteurs par l'acteur, signé Gary Cooper, dans une mise en abîme du rôle du cinéaste, lui aussi manipulateur en fin de compte.
Un film qui dévoile les enjeux de la communication moderne en en posant les prémices.