Ancre le ciel et l’enfer.
Le mystère s’épaissit : alors qu’on s’était échiné à expliquer les raisons pour lesquelles le cinéma de Bela Tarr n’est ni poseur, ni gratuit, ni snob après les chocs esthétiques des Harmonies...
le 16 mai 2020
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Béla Tarr, certainement l'homme qui galvanise le plus les passions dans le cinéma. Escroc pour certains, génie (parfois incompris ou non) pour d'autres, son oeuvre ne laisse personne indifférent. Ayant auparavant, en bon inculte que j'étais, de gros à priori sur son travail à cause des dires de certains, je me suis depuis longtemps ravisé après une approche exceptionnelle avec le splendide "Les Harmonies Werckmeister" suivi du très bon "Damnation" et son ambiance qui foutrait le bourdon à un croque-mort. "Satantango" et "Le Cheval de Turin", quoique moins marquants, ne firent que consolider sa méticulosité et réduire à néant mes préjugés d'autrefois qui ne reposaient sur rien d'autre que l'ignorance. Mais Béla Tarr, c'est aussi le cliché du "film hongrois en noir et blanc contemplatif de plus de 2h" qui fait fureur sur la Toile pour dénigrer ceux qui ne se limitent pas à Tarantino et Kubrick, aussi excellents soient-ils. Je le reconnais, j'adore faire preuve d'autodérision en employant ce stéréotype mais plus par amusement que par affirmation à la ramasse. Tout ça pour dire que ce paragraphe d'introduction reflète un peu les débats ardents que Tarr crée.
"L'Homme de Londres", en comparaison des quatre autres susmentionnés, n'est pas le film le plus estimé de sa filmographie. Et si jusqu'à présent, chacune de mes approches avait été dans le pire des cas de bonne qualité, j'ai été nettement circonspect sur le résultat final. Pourtant, le début fait illusion. Je retrouve ce que j'adore chez Tarr : la capacité d'hypnotiser le spectateur par ses longs plans-séquences pour le plonger dans une sorte de léthargie. Il nous berce par l'étirement du temps et des espaces sans nous plomber. Oui la première heure est de très bonne qualité mais petit à petit mon accroche s'estompait et a finalement confirmé ce que je pensais il y a déjà longtemps. Béla Tarr développe pleinement son potentiel quand il n'est pas enfermé dans une ligne scénaristique définie mais bien dans le récit métaphorique. Pensez à ses "Harmonies Werckmeister" ou à "Le Cheval de Turin". Il n'y avait pas de direction perceptible. On ne savait pas vraiment où irait et se terminerait le voyage. L'histoire était davantage une toile de fond, reléguée au second plan, pour mieux exposer les interrogations perpétuellement pessimistes chères au cinéaste. Et finalement, c'est bien là-dedans qu'il est le meilleur.
Pour "L'Homme de Londres", les intentions sont plus limitées, articulées autour d'une enquête policière des plus banales qui annihile l'écho qui résonnerait en nous de la réflexion sous-jacente qui est ici la solitude. Gageons de dire que son rendu est convaincant avec un Maloin renfermé, des personnes isolées mangeant seules dans le café, ainsi que sa femme et sa fille abandonnées. On ne pourra s'empêcher de souligner le choix assez discutable de l'obtention de l'anglais et du français par des acteurs hongrois à l'exception de Tilda Swinton qui démontre une fois de plus son éclectisme en parvenant autant à jouer dans le blockbuster que dans le film d'auteur exigeant (et dernièrement avec "Memoria" de Weerasethakul). Dans son cas à elle, elle parlera français. Bon, vous l'aurez deviné mais ça cloche et on ne comprend pas bien pourquoi cette décision.
En conclusion, "L'Homme de Londres" est le long-métrage le moins probant que j'ai pu voir de ce cher Tarr jusqu'à maintenant. Je terminerai en mentionnant un noir et blanc d'une grande beauté mais moins transcendant vu le choix des décors urbains au détriment des paysages dévastés, de campagne ou de hameaux qu'il utilisait habituellement.
Créée
le 16 août 2022
Modifiée
le 16 août 2022
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