Au moins, c'est du Cinéma.

Dans la famille des films boursoufflés, je demande le fils difforme!
L'Homme de Londres, c'est ça: des doublages français dégueulasses sortis de nulle part, une postsynchronisation faite à l'arrache, Tarr aura mis sept ans à avorter de cet étrange objet Cinématographique (avec un grand C, j'insiste!). Mais voilà, si on aime l'œuvre de Tarr, on aime l'Homme de Londres. Parce qu'on y retrouve cette atmosphère hypnotisante qui fait qu'on voit passer 2h comme si de rien n'était, parce qu'on retrouve ces plans séquences dantesques, parce qu'à nouveau on se voit imposer une unité de temps impérieuse mais respectueuse de l'intégrité du spectateur. Et aussi parce qu'à l'écran on ne joue pas, on ne représente pas, on vit. L'Homme de Londres possède cette qualité propre aux films de Béla Tarr (depuis Damnation du moins) qui est d'installer un sentiment de vérité saisissant alors que son œuvre revêt la forme d'une fable. Béla Tarr réalise ce dont Tarkovski parlait dans le Temps Scellé, ce à quoi tout cinéaste devrait aspirer: livrer sa vérité à l'écran, en toute honnêteté (et y'a t-il réalisateur plus intègre que Tarr, qui a tout sacrifié à son art et a décidé de ne plus l'exercer quand il sentit qu'il avait tout exprimé?) et subjectivité d'artiste.
Ainsi c'est au spectateur de prendre le film pour ce qu'il est, aucune facilité ne lui sera accordé, n'est-ce pas là l'ultime marque de respect qu'un réalisateur peut montrer à son public? Et si le film est saboté par son doublage, n'est-il pas merveilleux de pouvoir être autant saisi devant par long plan fixe mettant en scène le visage de Madame Brown se décomposant, lentement, puissamment sous le regard impassible du fameux homme de Londres?
Béla Tarr réalise là son film le moins séduisant, mais quelle force, quelle beauté, quelle honnêteté renversante.