Ce western reste légendaire malgré des défauts car il magnifie littéralement le personnage de Shane incarné par Alan Ladd (alors au sommet de sa gloire). Tout est vu à travers les yeux du jeune Joey qui idéalise totalement le héros westernien taciturne et solitaire sachant faire parler la poudre et viser juste. Ce qui fait que toute une génération d'Américains a eu pour Shane les yeux de cet enfant ; l'arrivée du héros au début est symbolique de cet état d'esprit. L'ennui, c'est que pour moi, Ladd ne représente pas l'aventurier solitaire tel que je le conçois, l'acteur n'avait pas tellement le profil du rôle, mais il était une énorme star à l'époque, le studio misa à fond sur lui. Je lui préfère les aventuriers incarnés par Gary Cooper ou Randolph Scott plus véridiques, non pas que Ladd soit mauvais acteur, loin de là, mais pour moi il est trop gentil et trop fade, il s'attache au jeune garçon alors qu'un westerner solitaire n'a pas d'attaches et reste peu loquace. D'ailleurs on peut relever dans ce film non seulement la mollesse de la réalisation là où il aurait fallu un Howard Hawks, un Henry Hathaway ou un Anthony Mann pour donner de la vigueur, mais on y trouve aussi les faiblesses d'un scénario aux grosses ficelles freudiennes. N'allez pas croire que je déteste ce film, je n'en suis pas un inconditionnel comme je peux l'être pour Winchester 73 ou Rio Bravo, mais je le recadre selon mon ressenti, et puis malgré tout ça, le film aura permis de remarquer Jack Palance dans le rôle d'un tueur impitoyable aux gants noirs, il marquera à tel point que Morris le prendra pour modèle dans Lucky Luke contre Phil Defer en dessinant carrément sa silhouette et son visage. Le film permit aussi à Alan Ladd d'y trouver son rôle le plus mythique, même si je le trouve nettement plus crédible en tueur angélique dans ses films noirs. C'est quand même considéré comme un film culte, et il ne mérite pas d'être boudé.