Georges Stevens fut plutôt un metteur en scène de comédies dramatiques dont en particulier le "journal d'Anne Franck". Engagé pendant la deuxième guerre mondiale comme cinéaste, il fut amené à filmer des horreurs comme le débarquement en Normandie ou encore la libération du camp de Dachau qui le traumatisèrent. Lorsqu'il aborda ce film, il n'avait probablement pas la vision d'un réalisateur "normal" de western et s'était abstenu de toute violence inutile. Dans le bonus du DVD, le fils de Georges Stevens raconte que son père horrifié par le spectacle de la guerre (de la vraie guerre) avait largement compris qu'il suffisait d'une balle pour tuer un homme. Il ne voulait donc pas réaliser un film "pétaradant" de tous côtés, à longueur de pellicule.


Ce western est tourné dans un paysage assez idyllique au pied de la chaine de montagne "Grand Teton" dans le Wyoming. Ces magnifiques paysages (avec le cerf pacifique qui bouffe les salades du fermier en toute impunité) créent un contraste saisissant avec l'âpreté et la férocité de la lutte entre les fermiers (propriétaires légaux) et les ranchers (qui refusent toute idée de propriété). Là encore, on voit que Georges Stevens fut aussi un grand directeur de la photographie et en avait conservé sûrement une grande sensibilité. Le photographe du film en recevra d'ailleurs un oscar .


Autre originalité du western : c'est un film vu à la hauteur d'un petit garçon d'une dizaine d'années donnant une vision très manichéenne des choses : d'un côté, le héros redresseur de tort qui porte toutes les qualités, de l'autre, le méchant, très méchant que rien ne peut racheter. D'autres cinéastes s'emploieront à bâtir leur scénario à partir de la vision d'un enfant comme les "contrebandiers de Moonfleet" ou encore et surtout "du silence et des ombres".
Pour revenir au petit garçon du western "Shane", le personnage évolue assez subtilement du début à la fin. Au début, c'est le petit garçon qui découvre le héros, s'y identifie (les agaçants bang bang) jusqu'au moment où il comprend (enfin) que le revolver peut être source de mort et de destruction y compris chez les siens. A la fin, il perdra sa candeur mais trop tard, le héros qui s'est sacrifié, est en train de partir.
Le petit garçon est interprété par Brandon DeWilde dont c'est un de ses premiers rôles.


Le cavalier solitaire, Shane, qui arrive à point nommé au moment paroxystique de la lutte fermiers/ ranchers est interprété par Alan Ladd, Il arrive sans se presser pendant le générique traversant les paysages grandioses. Il arrive en costume de cow-boy beige (le blanc aurait été salissant) avec une ceinture scintillante ; c'est le chevalier blanc d'autant que son look respire la bonté...
Face à lui, c'est le Mal absolu, tout de noir vêtu, interprété par un sinistre Jack Palance avec ses traits anguleux, taillés à coups de serpe.
Pas étonnant que Morris s'en soit inspiré pour "Lucky Luke et Phil Defer" ...


Le fermier, Joe Starett, est interprété par Van Heflin, toujours excellent lorsqu'il joue des rôles d'homme de devoir, d'homme honnête qui se bat pour les siens, tenace entre les tenaces.


Un des cow-boys du rancher, Chris Calloway joué par Ben Johnson, très hostile à Shane au début du western et qui se fait corriger sévèrement par lui, évolue pendant le film pour finalement donner un coup de main aux fermiers. Un signe de l'évolution des mœurs ? Surtout un signe que ce western est un peu plus complexe que le petit garçon pourrait le laisser entendre.


Et je termine pour la bonne bouche par Jean Arthur qui joue le rôle de l'épouse, Marian Starett, qui a un rôle assez essentiel dans le film car elle est la voix de la non-violence. Aux côtés de son mari, elle lutte pour gagner le droit de vivre dans la vallée. Jusqu'au moment où elle voit que sa famille peut être détruite, elle exhorte son mari à partir car "la terre et la ferme ne valent pas qu'on meure pour elle".
De même, dans la scène où l'enfant se fait expliquer par Shane comment on doit porter un révolver à la hanche, elle rabroue fermement Shane en lui expliquant qu'elle ne conçoit pas l'avenir de son fils comme pistolero.
"Guns aren’t going to be my boy’s future"
C'est le dernier rôle de Jean Arthur. C'est une grande actrice que j'ai adorée dans les films de Capra ("l'extravagant Mr Deeds" et "Vous ne l'emporterez pas au paradis")


"Shane" est un western qui a eu beaucoup de succès à sa sortie et qui inspira pas mal de cinéastes.
Personnellement, j'ai toujours bien aimé son ambiance, les décors et aussi son casting

JeanG55
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Westerns et Les meilleurs films de 1953

Créée

le 25 févr. 2022

Critique lue 225 fois

16 j'aime

3 commentaires

JeanG55

Écrit par

Critique lue 225 fois

16
3

D'autres avis sur L'Homme des vallées perdues

L'Homme des vallées perdues
JeanG55
8

Shaaane, Shaaane, come back

Georges Stevens fut plutôt un metteur en scène de comédies dramatiques dont en particulier le "journal d'Anne Franck". Engagé pendant la deuxième guerre mondiale comme cinéaste, il fut amené à filmer...

le 25 févr. 2022

16 j'aime

3

L'Homme des vallées perdues
Ugly
6

I'm a poor lonesome cowboy

Ce western reste légendaire malgré des défauts car il magnifie littéralement le personnage de Shane incarné par Alan Ladd (alors au sommet de sa gloire). Tout est vu à travers les yeux du jeune Joey...

Par

le 2 nov. 2016

14 j'aime

5

L'Homme des vallées perdues
menjartot
7

Shane

L'Homme des vallées perdues est un des meilleurs représentants des Westerns américains dits de la période classique. Tout les aspects en sont caractéristiques: À l'opposé des spaghettis, ou même des...

le 8 févr. 2012

13 j'aime

2

Du même critique

L'Aventure de Mme Muir
JeanG55
10

The Ghost and Mrs Muir

Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très...

le 23 avr. 2022

25 j'aime

9

125, rue Montmartre
JeanG55
8

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

le 13 nov. 2021

24 j'aime

5

La Mort aux trousses
JeanG55
9

La mort aux trousses

"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...

le 3 nov. 2021

23 j'aime

19