Les combats de Lech et de Danuta Walesa (1970-1990)

* Andrzej Wajda raconte vingt ans d'histoire polonaise (1970-1990) à travers la figure emblématique de Lech Walesa. Son film commence avec l'arrivée chez Walesa d'une journaliste italienne, espionnée par la police politique, dans une cité de Gdańsk, hérissée de tours clapiers comme ses sœurs de l'ouest capitaliste.
La journaliste interroge le plus célèbre des Polonais avec Jean-Paul II : Walesa se considère-t-il comme un leader ? Comment est-il devenu un héros ? Peut-il expliquer ses succès face au gouvernement communiste ?

* Le leader de Solidarité répond : j'ai en moi une Colère, qui me pousse à l'action. Mais je m'efforce de maîtriser cette Colère, de la canaliser. Je comprends très bien la Colère du peuple, mais elle doit déboucher sur une action réfléchie. Je suis capable de dompter cette Colère et de la diriger.
L'interview sert de fil conducteur : une série de flashback raconte la lutte de Walesa pour maintenir la dignité des Polonais dans le système communiste.

* Électricien aux chantiers navals de Gdańsk, il prend la tête d'une grève générale et fonde avec Anna Walentynowicz le mouvement Solidarność, premier syndicat autonome dans la zone d'influence soviétique (août 1980). Né du licenciement d'Anna Walentynowicz, "Solidarité" réclame sa réintégration, l'augmentation des salaires et la construction d'un monument en l'honneur des martyrs de 1970. Il fédère rapidement les ouvriers du chantier Lénine. À partir de Gdańsk, de nombreuses grèves éclatent dans le pays. De dures négociations aboutissent à l'Accord de Gdańsk (août 1980), succès historique pour Walesa et Solidarité.
Des images d'archives, d'autres reconstituées en noir et blanc sur plusieurs événements, donnent un aspect documentaire au film.

* Wajda développe la relation entre Walesa et sa femme. Danuta tient le ménage malgré la vie cahotique de son militant de mari : manifestations, arrestations, perquisitions du domicile ou son invasion par les militants, séjours en prison... Danuta lutte pour sa famille autant que son mari pour Solidarité. De nombreux spectateurs peuvent s'identifier à leur amour conjugal. Et au courage d'une femme, souvent seule, en charge de six enfants...

* Avant une action, Lech laisse à Danuta son alliance et sa montre... à vendre s'il ne revenait pas... Ce geste se répète, finit par devenir un symbole. Walesa militant n'a plus de femme et le temps familial ne compte plus. À quoi servirait une montre en prison ?
En 1983, Danuta reçoit le prix Nobel de la paix à Oslo, au nom de Lechek, qui n'ose quitter la Pologne. À son retour, une policière lui fait subir une fouille intégrale. Pour la ramener sur terre.

* Le film montre que l'attitude modérée de Walesa, jointe a sa détermination, fait sa force. Il intervient dans une émeute en 1970 pour éviter un bain de sang. Il maintient le dialogue avec la police et le pouvoir (POUP et gouvernement). Proche de l'Église catholique, Walesa cherche le compromis et le trouve souvent.
Sur le chantier naval paralysé par une grève générale, il évite une intervention des forces de l'ordre en organisant "une Sainte Messe". Le chantier devient ainsi un sanctuaire...
Pendant une résidence surveillée, un prêtre lui conseille de lire une encyclique de Jean-Paul II. - "Pas la peine, rétorque-t-il, je crois tout ce que dit le pape !"

* L'empathie de Wajda pour Walesa frise l'apologie. Le parcours de Lech devenant une de ces Vies de Saints, touchés par la Grâce.
Le rôle important d'Anna Walentynowicz, qui s'oppose à Walesa pour continuer la grève et l'élargir à d'autres usines, est à peine évoqué.
Les intellectuels du KOR ? Un troupeau de fumeurs enlisés dans les mots, incapables d'actions réelles.
Bronisław Geremek et Tadeusz Mazowiecki aident Walesa à négocier avec les communistes en d'août 1980. Wajda les oublie ! Il ne faut pas faire d'ombre à Lech Walesa...
lionelbonhouvrier
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le 5 déc. 2014

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