Woody Allen a un talent bien particulier ; celui de ne jamais me faire sentir grand chose face à ses films.
Peut être cet effet est le résultat de la désespérante frénésie réalisatrice d'un auteur touchant qui rêve toujours de réaliser son Citizen Kane...
Car devant cet Homme Irrationnel je n'ai pas ressenti autre chose qu'une terrible inertie, qui allait parfois plonger un pied dans l'eau stagnante de l'ennui pour venir vite se sécher dans celle d'un sourire, tout juste, amusé.
Car le film se cherche sans jamais se trouver, s'engage sans jamais s'imposer.
Entre histoire d'amour prof-élève, dont on voit dés les premières images tous les tenants et les aboutissants, film sur la quête de sens d'un homme pour lequel on a bien trop peu d'empathie, ou enquête machiavélique, L'Homme Irrationnel est tout à la fois sans l'être vraiment.
Comme dit précédemment, on sait déjà tout de l'amour prof-élève qui unit Emma Stone, intrépide et chipie mais vite soûlante, et Joaquin Phoenix (j'y viens) avant même que celle-ci commence. De plus elle n'est qu'une toile de fond aux deux thèmes suivants.
Film existentiel, on y croit déjà plus. De déboires en déboires, Joaquin Phoenix, bide en avant, lunettes de soleil sur le nez, cheveu gras, poussant un peu trop la carte du pataud pour se révéler convaincant mais inégal, on suit ce pauvre type, pour qui la vie n'est que noirceur, qu'il tente d'évacuer par la philosophie (qui dans le film n'a aucun but précis ni aucune profondeur, si ce n'est celle de citer, par pure érudition, quelques auteurs pour souligner explicitement le propos), matière qu'il qualifie lui-même de verbiage fumeux. Cette partie est peut être la plus intéressante, malgré son absence volontaire, mais pas si anodine, de rythme.
Enfin, dés la quête de sens trouvée et menée à son terme, se joue la partie enquête. Ici le thème au piano (qui revient une bonne dizaine de fois dans le film : LOURD) rythme les dialogues cyniques dans lequel Phoenix joue l'innocent, s'invente un personnage. Mais les rebondissements sont mal rythmés, et tellement évidents, qu'ils en deviennent lassants. Reste heureusement ce final qui, à la manière de Match Point, vient mettre tout le monde d'accord, avec une brutalité cynique qui en surprendra plus d'un.
En croisant deux points de vue (deux voix-off qui s'entrecroisent sans jamais se rencontrer), Allen livre une distance intelligente à une intrigue qui ne l'est pas toujours, avec de vraies lacunes stylistiques (outre la photographie orangée et soignée de Darius Khondji, il ne reste pas grand chose à sauver).
A trop faire vite on fait mal.
Mais je doute que Woody Allen suivra ce modeste conseil.