Ce n'est pas parce que Woody ne joue pas dans son dernier film que ça change grand-chose. Il est ici question de l'avancée de ses réflexions personnelles, forcément. Notre bonhomme avance en age et il a traversé quelques turbulences personnelles. Les médias ne se sont pas privés pour relater tout ça dans le détail, faisant leurs choux gras de péripéties propres à dégoûter les bien pensants. Je pourrais en rajouter ici avec mon opinion personnelle, mais je n'en vois pas l'intérêt. Il est beaucoup plus intéressant d'analyser le film. Le personnage central est un prof de philo arrivant dans une université précédé par une réputation de don Juan : il coucherait régulièrement avec des étudiantes. Voilà de quoi faire fantasmer, les étudiantes bien sur mais aussi les femmes qui devront le cotoyer.


Les circonstances vont donc amener ce prof nommé Abe Lucas et joué par Joaquin Phoenix à entretenir deux relations, l'une qu'il souhaite amicale avec son étudiante Jill jouée par la jeune et charmante Emma Stone, l'autre sensuelle mais condescendante avec Rita (hommage à Rita Hayworth ???) sa collègue du département sciences. Cette dernière relation n'est pas vraiment prise au sérieux par Abe, car Rita est mariée, pourtant Rita s'accroche quasiment désespérément à cette histoire qu'elle voit comme la chance de sa vie de tout recommencer. Mais c'est avec Jill que Abe a des discussions qui amènent un début de connivence. Sommet atteint avec une conversation surprise dans un fast-food. Une femme se plaint de la situation qu'elle vit en justice où elle risque de perdre la garde de son enfant parce que le juge est de connivence avec le père. Abe et Jill y voient une terrible injustice. Mais autant Jill compatit, autant Abe considère que compatir ne sert à rien. Ce qu'il faut c'est faire quelque chose. il raisonne en prof de philo qui déplore que le monde fonctionne avec la passivité, le laisser-faire, l'hypocrisie qui fait que tout va de travers. Tout prof de philo qu'il soit, Abe agit de façon totalement irrationnelle !!!
Coup de tonnerre quand les médias annoncent la mort du juge suite à une crise cardiaque. a partir de là, Woddy Allen s'amuse beaucoup en montrant les réactions des uns et des autres. On culmine avec le père de Jill qui fait le détective de salon sans avoir toutes les données en mains. Il se plait à échaffauder des théories qu'il est obligé de réviser au fur et à mesure que les informations tombent. Nouveau coup de tonnerre quand la presse annonce que le juge a en fait été assassiné, empoisonné par du cyanure dans son gobelet de café qu'il sirotait dans un parc en lisant son journal, comme d'habitude.


Vous aurez deviné qui est l'assassin, l'enquête n'est pas le but du film puisqu'on assiste à la scène de préparation dans le parc. Par contre, Woody Allen présente une version personnelle de Crime et châtiments. Je me permets de dire que ce n'est pas un hasard, car Dostoievski est le plus philosophe des écrivains. La réflexion est poussée puisque décider que le juge doit être mis hors d'état de nuire est intéressante dans la mesure où son action est néfaste. Mais, cette impression n'est qu'une réflexion faite à la va-vite. Oui, le prof de philo a raison de déplorer le laxisme général, mais il a franchement tort d'agir sans en savoir plus. Que sait-il exactement de l'affaire ? La mort du juge est-elle indispensable pour le mettre hors d'état de nuire ? Cette sanction n'est -elle pas disproportionnée par rapport à son action ? On a donc une réflexion intéressante par rapport à la notion de justice. La démonstration est claire, la justice absolue est impossible. D'ailleurs, puisque j'ai parlé de Dostoievski, le crime ne va pas sans chatiment. Celui de Abe ira crescendo et j'espérais autre chose que ce qui se produit finalement. A mon avis, la meilleure démonstration de l'aberration commise aurait été que la décision de justice à l'origine reste inchangée, mettant en évidence que la justice ne peut pas s'exercer individuellement. Woody Allen préfère montrer qu'une certaine forme de justice finit malgré tout par émerger, chaque geste ayant ses conséquences. La chute du film est donc une parfaite réussite et elle ne peut que faire réagir le spectateur. Hilarité générale dans la salle !
Autre chose, Woody Allen rend hommage discrètement dans ce film au maitre du suspense, Alfred Hitchcock, les situations qu'il met en scène rappellent plusieurs films de celui qui a souvent réfléchi à la notion de crime parfait. Les titres qui me viennent en tête :
Le crime était presque parfait
La corde
Sueurs froides
L'inconnu du Nord-Express
la loi du silence

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le 5 nov. 2015

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