L'Homme-léopard fait suite à Cat People et I Walked with a Zombie, les trois films étant sortis entre 1942 et 1943, et clôt une trilogie caractérisée par ses atmosphères horrifiques oppressantes et sa peur suscitée par la suggestion, ainsi que sur un plan plus technique par la collaboration de Jacques Tourneur avec le producteur Val Lewton. C'est de loin le film le moins célèbre et jouissant d'une réputation la moins favorable, ce que l'on peut comprendre étant donnée la relative sécheresse du scénario, mais bizarrement la sobriété de ses effets et de son contenu joue en sa faveur et alimente une surcouche originale et une ambiance très intrigante.
Coïncidence des programmes, on retrouve ici la Jean Brooks de La Septième Victime (sorti la même année), dépourvue de sa perruque brune à frange mais au visage toujours aussi particulier. L'Homme-léopard serait l'un des premiers films américains à dépeindre de manière vaguement réaliste les agissements d'un serial killer (avant même que le terme n'existe). En tous cas Jacques Tourneur est un cinéaste passionnant, dans ce qu'il est parvenu à exprimer et suggérer dans cette trilogie, et ce quand bien même je n'aurais pas accroché démesurément à chaque partie de chaque film. Sensation étrange où le tout, observé avec recul, est bien supérieur à la somme de ses composantes individuelles prises sur le moment.
Finalement l'histoire de ce léopard échappé dans la nature d'une petite ville du Nouveau-Mexique n'a que peu d'importance : très vite le point de focalisation se déplace vers les recherches, les conséquences des attaques, la crainte des habitants, et éventuellement la possibilité que les crimes soient le résultat non pas des agressions de l'animal mais d'un barjot local. Le film regorge de lieux atypiques (un cimetière tout particulièrement), de scènes marquantes (la mort d'une fille derrière une porte, au travers du sang s'écoulant au sol), de rencontres fatales. Pas de sous-texte sexuel ici, simplement un discours étrange sur le sort des hommes dirigé par des forces mystérieuses comme semble l'illustrer métaphoriquement la scène où une balle est maintenue au-dessus d'un jet d'eau. Et surtout son lot d'ambiances frappantes, comme le final avec une commémoration des Indiens massacrés par des conquistadors (une sorte de défilé de membres d'un Ku Klux Klan qui serait vêtu de noir), un passage sombre infranchissable...
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