Dans la Syrie du régime de Bachar Al Assad, année 2010, Sam Ali ferait tout pour les beaux yeux perçants de Abeer. Celle-ci est malheureusement promise à un bien meilleur parti, travaillant à l'ambassade syrienne de Belgique.
Après avoir parlé haut et fort de la dictature du régime syrien dans les transports publics, Sam Ali fuit à Beyrouth pour échapper aux poursuites du régime. A Beyrouth, il trouve un travail à la chaîne dans l'abattage des poussins. Gagnant à peine de quoi manger, il s'incruste dans les soirées cocktails mondaines et décalées du monde de l'art. Repéré par Soraya, assistante du célèbre Jeffrey Godefroi, artiste dont les œuvres s'arrachent à des millions, il accepte le deal suivant : l'obtention d'un visa Schengen en échange de son dos.
Le scénario du film est sans aucun doute fort et percutant. C'est ainsi que, une signature de contrat et une séance de tatouage plus tard, le réfugié syrien Sam Ali devient la nouvelle œuvre de Jeffrey, photographiée et exposée dans les musées. Le scénario questionne l'absurdité de tout un système: l'arbitraire des politiques migratoires, le monde déconnecté de l'art, la marchandisation à outrance, la propriété des corps.
Le film a opté pour le registre cynique pour traiter de ce sujet hautement sensible et politique. Les réflexions de fond sont bien là - la transformation d'un homme en œuvre d'art, le détournement artistique d'une cause politique, le sens de la vraie liberté - avec leur lot d'implications éthiques, mais la forme dégrade le propos. Tour à tour vendu et acheté par des collectionneurs d'art tous plus délirants que les autres, Sam Ali en vient à préférer le retour en Syrie. La célébrité l'empêche même de voir en secret sa bien-aimée, lui dont l'histoire et le dos ont fait le tour du monde.
Osé, ce choix du cynisme à outrance est malheureusement un cuisant échec. Certaines scènes, au fort potentiel, comme l'exposition d'un homme dans un musée, sont complètement gâchées par les dialogues crus et lourds. L'histoire d'amour de fond se révèle plate et ne tient pas la route. Son dénouement final surprend par sa complexité et sa réflexion originale, mais il semble bien trop tard pour sauver le film de sa maladresse et de sa pesanteur.