Bien que King Vidor ait avoué avoir réalisé ce film pour payer ses impôts, il n'en signera pas moins un chef-d'oeuvre, on peut même affirmer qu'il porte sa marque indiscutable, que ce soit dans la description du personnage de femme volontaire et ambitieuse incarné par la craquante Jeanne Crain, confrontée à la vie de l'Ouest au sein d'un univers masculin, ou dans la manière avec laquelle Vidor aborde les problèmes entre fermiers et éleveurs autour de ces maudits barbelés qui ont souvent été cause de conflits dans d'autres westerns. Il faut préciser quand même que le film repose sur un excellent scénario de Borden Chase, grand spécialiste du genre. Jeanne Crain rejoint la galerie des grandes héroïnes vidoriennes (au même titre que Jennifer Jones dans Duel au soleil), et l'insolence de ses rapports avec Kirk Douglas peut surprendre pour leur audace dans un western des années 50. Quant au personnage d'aventurier joué par Kirk, il est conforme à l'image que l'acteur véhiculait durant cette décennie, c'est un personnage qui ne tient pas en place, toujours prêt à bondir, à se battre pour ses idées, un savant mélange d'humour, d'effronterie et de volonté farouche.
Le couple vedette est fort bien entouré par des seconds rôles remarquables, entre l'homme de main vicieux dont Richard Boone s'était fait une spécialité à cette époque au vieux contremaître chevronné incarné par Jay C. Flippen, de l'ancienne fiancée délaissée jouée par Claire Trevor au jeune godelureau naïf joué par William Campbell, chaque rôle est bien tenu. Un solide western, où King Vidor passe avec brio de séquences psychologiques à des séquences de violence ou des moments plus légers, même si je n'en fais pas un de mes westerns préférés.