J’aime qu’on ne me dise pas tout, j’aime qu’on mette devant le fait accompli sans juger nécessaire de m’expliquer les choses comme à un enfant, j’aime par-dessus tout qu’on stimule mon imagination en me posant des questions qui ne trouveront pas de réponse dans le dénouement de l’histoire. L’Homme Qui Rétrécit est, de ce point de vue un film exemplaire, qui ne se donne pas la peine de justifier son scénario parce-qu’il vous laisse le soin de le faire à sa place. Il faut cependant accepter ce sentiment de rester sur sa faim, cette impression d’un film inachevé et qui vous laisse comme suspendu à votre capacité d’imaginer la suite. Là est tout le plaisir, celui de se découvrir scénariste en herbe en s’inventant son propre épilogue.

C’est l’histoire d’un brouillard, ça peut sembler peu de choses mais là est le point de départ qui fait toute la force de l’histoire. Scott et sa femme Louise prennent le soleil sur leur bateau de plaisance, insouciants de l’avenir et du monde. Malgré ce soleil, un immense banc de brouillard, qui semble se déplacer artificiellement, fonce droit sur eux au moment où Louise, à l’abri en cabine, laisse Scott seul sur le pont. Le brouillard passe sur Scott et dès cet instant, il ne va cesser (ou presque) de perdre poids et taille sans que rien ne semble pouvoir venir enrayer ce phénomène aussi inédit qu’inexplicable.

Ce film ne reste pas dans les mémoires pour les interprétations de ses acteurs, on est très loin du jeu qui vous laissera sur le carreau, béat d’admiration et de gratitude, au point de foncer brûler un cierge en remerciement. Ils font juste le nécessaire pour rendre crédible une histoire incroyable, ils ne sont ni désagréables ni enthousiasmants, on n’en éprouve pas moins des émotions pour eux. Grant Williams, qui interprète Scott, manque parfois de charisme et d’expressivité dans le jeu. On n’est pas au niveau d’un Keanu Reeves dans la linéarité du jeu, mais ça manque parfois de personnalité. Il reste que l’acteur est bel homme et que, pour peu qu’on aime les hommes, on se permettra un brin de satisfaction coquine.

Le reste est un sans faute, qu’il s’agisse du déroulement de l’histoire, rythmée entre espoir et désespoir du héros, en particulier à la fin du premier tiers lorsqu’on nous fait croire qu’on prend une direction pour changer radicalement dix minutes après. Qu’il s’agisse des péripéties qui se mettent sur sa route et des vrais moments d’angoisse qu’il vit. Là le film tire son épingle du jeu, avec des effets spéciaux évidemment loin du tout numérique d’aujourd’hui mais qui, même aujourd’hui, sont loin d’être indigents. C’est vrai qu’on voit la surbrillance de Scott lorsque son image est superposée, mais c’est un détail car sur le reste, le travail et le rendu sont vraiment bons et ne vous décrocheront même pas un sourire condescendant.

C’était donc ça, ce fameux Homme Qui Rétrécit, que j’ai pris soin d’éviter si longtemps, si convaincu que j’étais que les effets spéciaux seraient dépassés et qu’en-dehors d’eux, il n’y aurait rien à voir ou à vivre : regrets éternels. J’aurais quand même un bémol à propos du laïus final sur l’homme du futur, son lien à la Nature, l’infiniment grand et l’infiniment petit qui semble vouloir inutilement justifier une fin un peu abrupte. Ce discours pompeux et hors sujet, vient en fait gâcher le plaisir d’une fin qui méritait de rester en suspend, comme un gros point d’interrogation. Le plaisir et la satisfaction sont bien là au clap final, mais que ça aurait été bon que ce travelling arrière se fasse sous le poids d’un silence lourd de sous-entendus sur l’avenir incertain de Scott Carey et que ce film s’achève sur une peur du lendemain tellement plus suggestive.
Jambalaya
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le 7 févr. 2014

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Jambalaya

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