Revoir ce film est toujours un plaisir, c'est un parfait exemple de science-fiction dans le quotidien ; ici nous ne sommes pas dans l'espace, mais la démonstration est aussi frappante avec ce film très étonnant écrit par le romancier Richard Matheson à qui on doit plusieurs nouvelles fantastiques ("Je suis une légende") et des travaux pour le cinéma, dont le fameux Duel de Steven Spielberg. C'est le thème de l'atome qui sert de base à cette histoire, il a marqué le cinéma hollywoodien de SF dans les années 50, mais ici, au lieu d'avoir des insectes géants causés par les mutations des radiations, le processus est inversé : c'est l'homme qui rapetisse ! C'est un Américain paisible qui vit cette aventure cauchemardesque où au fur et à mesure que sa taille se réduit, le monde qui l'entoure, jadis familier, devient dangereux et menaçant ; chaque objet anodin comme un crayon, une épingle, une paire de ciseaux ayant pris une nouvelle dimension, devient gigantesque pour lui et va lui servir d'armes une fois qu'il sera tombé dans sa cave alors qu'il est réduit à un soldat de plomb puis un dé à coudre. Ce décor devient vaste et terrifiant dont la locataire est une simple araignée qui pour le héros devient un monstre redoutable. La lutte pour la nourriture devient vitale, et la scène du combat contre l'arachnide est à ce titre un morceau de bravoure d'anthologie qui occupe le dernier tiers du film.
La production fit construire 14 décors de tailles différentes pour accompagner les étapes successives du rapetissement du héros, et les trucages sont très réussis pour l'époque, dans les distances et les proportions des objets en fonction de la taille du héros ; parfois, l'astuce simple consiste à filmer en perspective forcée, c'est un procédé qui est encore utilisé de nos jours, c'est ainsi que Peter Jackson a fait dans le Seigneur des Anneaux pour les scènes dans les trous de Hobbit entre Gandalf et Bilbon. Le roman de Matheson était déjà brillantissime, l'idée renversante et tout à fait indiquée pour le cinéma, en dépit d'un final pessimiste qu'on peut atténuer par une réflexion sur l'infiniment petit. En tout cas, Jack Arnold signe là l'un des films les plus réussis sur le thème du gigantisme et du nanisme, un véritable petit bijou de la science-fiction des années 50.