Samedi 19 mai j'ai eu la chance d'assister à une séance de la nouvelle pépite de Terry Gilliam "L'Homme qui tua Don Quichotte" en simultané avec la projection au Festival de Cannes 2018 en tant que film de clôture.
Alors autant le dire tout de suite, même si j'aime beaucoup, beaucoup Terry Gilliam et que j'adore certains de ses films, je ne peux pas me qualifier de "vraie" fan (enfin si ce terme possède un réel sens). D'ailleurs, je n'ai pas non plus beaucoup suivi toutes les histoires dingues qui ont entaché le tournage du projet original, je n'ai pas encore vu le documentaire qui relate toutes ces mésaventures. En plus de ça, je n'avais pas lu de synopsis et vu rapidement une première bande-annonce, donc je suis arrivée "vierge" dans la salle de cinema. Sincèrement, je ne savais pas du tout de quoi ce film allait parler.
L'histoire se concentre sur un jeune réalisateur prometteur, Toby, qui retourne en Espagne pour un tournage bien des années après avoir terminé son film d'études, une adaptation de Don Quichotte. Alors pris d'une certaine mélancolie et pour se tirer d'une situation quelque peu foireuse, il décide de se rendre dans le village qui a abrité le tournage de son premier métrage. C'est là qu'il découvre que son acteur principal, un vieux cordonnier du nom de Javier, n'a jamais complètement décroché de son rôle de chevalier... C'est alors que le film nous plonge dans un délire vraiment déroutant, dans lequel réalité et imagination ne cessent de se croiser et se recroiser, au point que le personnage de Toby, tout comme le spectateur, ne sait plus vraiment s'il doit se fier à ce qu'il croit voir.
On reconnaît tout de suite les gimmicks de réalisation de Terry Gilliam, avec ses décors faits de bric et de broc, qui semblent tout droit sortis d'une fête foraine à l'abandon, ses tics de caméra avec de nombreux plans en grand angle, son amour pour des univers imaginaires fantasmagoriques. Alors certains diront qu'il se contente peut-être de faire ce qu'il sait faire de mieux depuis quelques années, que le film se concentre trop sur sa personne et sur son expérience en tant que réalisateur d'un projet "maudit". Mais je trouve que l'ensemble reste beau, reste touchant et émouvant, c'est drôle, c'est fou, c'est totalement déroutant.
À de nombreuses reprises, je me suis dit "merde où est-ce qu'il veut en venir, qu'est ce que je suis censée comprendre" et finalement j'ai accepté de me laisser porter par l'histoire ; tout comme le personnage de Toby, incarné par un Adam Driver qui m'a déjà convaincue depuis longtemps de son talent, j'ai accepté de suivre ce Don Quichotte (impeccable Jonathan Pryce) complètement dingue et sénile dans des aventures périlleuses et improbables et j'ai vécu un joli moment de cinéma.
Je pense que dans le cinéma, on a facilement tendance à vouloir trop intellectualiser l'expérience, alors que parfois il s'agit juste d'accepter de laisser le réalisateur nous prendre par la main et de lui faire confiance, accepter d'être perdu pour ensuite trouver la bonne voie. Accepter le fait qu'au cinéma comme dans la vie, la barrière entre le réel et l'imaginaire est souvent mince et que parfois le cinéma est là pour nous faire rêver de géants, de chevaliers et de belles princesses.
Une belle expérience de cinéma à vivre en salle (et que personnellement je vais sûrement revoir rapidement une seconde fois).