Je plaide coupable, j'adore Terry Gilliam, ou du moins dans ma jeunesse j'adorais l'armée des 12 singes, Brazil, Las Vegas Parano, Le roi pêcheur... et forcément les Monty Python. J'attendais chacun de ses films une fois l'âge adulte atteint, mais Zero Theorem m'avait emmerdé, sur le moment j'avais bien aimé les frères Grimm (mais juste sur le moment), mais Tideland que j'ai vu bien après j'ai détesté. Il reste juste dans ses films récents l'Imaginarium du Docteur Parnassus que j'apprécie.
J'attendais donc cet Homme qui tua Don Quichotte autant que je le redoutais. D'ailleurs rien que le projet en lui-même fait peur étant donné qu'en général ce genre d'arlésienne, c'est parfois mieux si elles ne sortent pas, qu'elles restent des mythes, des fantasmes de cinéma, afin qu'on ne soit pas confronté à la dure réalité : ce n'est qu'un film... le film peut être sympa, mais il ne sera qu'un film... et rares sont les films qui égalent le mythe.


Mais je dois dire que Terry Gilliam s'en est tiré avec superbe. Alors certes, le film divisera, il est totalement imparfait, mais le cinéma de Gilliam a toujours été bordélique, imparfait et c'est ce qui fait son charme. Alors peut-être serai-je moins élogieux sur le film à tête reposée, mais j'ai pris mon pied, malgré tous les défauts évidents du film et le fait qu'il soit beaucoup trop long.


En fait le film a réussi à me mettre profondément mal à l'aise avec son univers entre rêve et réalité, où l'on ne sait pas trop si c'est du lard ou du cochon et où tout à coup tout prend des allures très graves avec des conséquences disproportionnées par rapport à l'intention de départ des personnages.
Certes j'ai beaucoup ri également, j'ai été ému, mais c'est vraiment cette étrangeté qui m'a fasciné. Terry Gilliam fait ce qu'il veut de son spectateur vu que son spectateur ne sait pas où il met les pieds et donc il le perturbe, lui fait voir des choses qu'il ne devrait pas voir, ressentir des choses qu'il ne devrait pas ressentir... Surtout que la mise en scène est assez délirantes en filmant ses acteurs avec des angles pas possible.


Les acteurs sont tous parfait dans leur rôle. J'ai pu lu lire qu'Adam Driver était en dessous de ce qu'il peut faire d'habitude, mais il n'en est rien, un peu désabusé au début, on le voit petit à petit trouver la foi dans le Don Quichotte qu'il a trouvé. Mais forcément c'est Jonathan Pryce qui tire son épingle du jeu. J'aurais d'ailleurs apprécié qu'il soit plus présent car il n'a finalement qu'un second rôle. Il faut noter aussi que Joana Ribeiro est sublime avec son air de Penélope Cruz dans ses premiers rôles.


D'ailleurs toutes les scènes entre Ribeiro et Driver sont belles et justes. On voit tout le rêve de l'actrice en devenir lorsqu'elle est jeune et toute la délusion de celle qui n'a pas pu le devenir... Tout ceci a un côté très touchant. Bref, Gilliam arrive à faire exister ses personnages et à les rendre émouvant.
Et puis bien sûr il y a Don Quichotte, c'est triste à dire mais Jonathan Pryce tient sans doute là le rôle de sa vie, alors qu'il ne lui revient qu'à cause d'une accumulation de malheurs. D'ailleurs notons le geste très classe de la part de Gilliam de remercier au tout début du générique Jean Rochefort et John Hurt. Reste néanmoins que Jonathan Pryce est Don Quichotte, tout comme son personnage est Don Quichotte et toutes les scènes avec lui sont savamment drôles.


Toute la fin du film dans le château semble sortir droit d'un cauchemar et m'a crispé avec une monté en puissance crescendo. J'ai adoré les derniers moments dans le château, lorsque l'on comprend ce qui s'est vraiment passé et qu'on voit le regard paniqué d'Adam Driver... Après la folie le retour au réel.


Cependant le thème principal du film c'est justement l'immortalité de la figure de Don Quichotte, de cet idéal, de cette douce folie et le film le réussi très bien avec son final. En parlant des thèmes abordés, on sent que Gilliam a un compte à régler avec tous les producteurs qui l'ont emmerdé durant sa carrière... Mais surtout on voit la différence entre le jeune Adam Driver, idéaliste, et l'actuel, un réalisateur de pub qui a abandonné ses rêves... devenu précieux et prétentieux... Qui, et ce n'est pas bien original, réussir à regagner un peu de sa candeur au contact de Don Quichotte, celui-là même qu'il avait inventé dix ans plus tôt alors qu'il avait encore des idées...


D'ailleurs, le film en noir et blanc sur Don Quichotte tourné par le personnage de Driver dans sa jeunesse a l'air juste fou. J'aurais adoré le voir en version complète.


Bref, je voulais lire le bouquin avant de voir le film histoire de pouvoir saisir les références, mais le film m'aura au moins donné encore plus envie de m'y atteler.

Moizi
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le 22 mai 2018

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Moizi

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