Un film qui avance sur un fil, penchant parfois vers le très émouvant, parfois vers les très embarrassant. Ce numéro d'équilibriste touche, en soit, donne le sentiment d'un danger artistique constant. On se demande à chaque scène si Gilliam va se planter, si le film ne va pas s'écrouler dans le ridicule, si le géant ne va pas se transformer en moulin sous nos yeux. S'il y a vraiment un terme qui revient lorsqu'on parle de ses films, c'est bien celui de "film malade", et c'est d'actualité pour cette oeuvre. On sent le film heureux d'exister, on sent une générosité, qui déborde un peu du cadre, pataude et inspirante à la fois. On est toujours à deux doigts d'imaginer le chef d'oeuvre que cela aurait pu donner, tout en aimant ce brouillon hors norme, qui nous venge des oeuvres froides, des produits formatés.
Le film est quasi parfait jusqu'aux scènes du "bal costumé", et se déroule avec grâce et mélancolie. C'est bête à dire, mais la figure de Don Quichotte sied bien au film sur Don Quichotte, et sa poursuite difficile du rêve éveillé. La mise en abyme y est un style de vie. L’ambiguïté entre fantasme et réalité est douce, fine. Un décrochage se produit toutefois, vers la fin, où le bordel ambiant, les effets sans queue ni tête d'une imagerie facile m'ont un peu perdu, et donne l'impression que l'heure a sonné au moment de l'examen et qu'il faut rendre la copie en urgence, avant, toutefois, une fin digne de ce nom.