Il y a des films qui nous rappellent pourquoi nous aimons le cinéma. The man who shot Liberty Valance fait partie de ceux-là. Avec un classicisme et un génie légendaires, John Ford propose une démystification efficace de l'introduction de la démocratie aux États-Unis. La simplicité du récit renforce encore davantage le charme des détails qui sont offerts à l'écran.
La nostalgie touchante diluée au fil des scènes produit son petit effet. Les costumes, les steaks monstrueux, le shérif ventripotent, les cowboys avec des foulards, les bagarres dans les saloon, un bar où l'on sert du whisky et une démonstration de lasso : voilà qui réussit à satisfaire nos âmes d'enfants. John Ford offre bien un western classique mais démontre dans le même temps la réalité du Far West. C'est bien en effet ce dont il s'agit ici : si le réalisateur respecte la légende, c'est le réel qu'il nous dépeint.
D'ailleurs, le titre même du film permet de mieux comprendre la démarche. Si le scénario est parfaitement construit, ce n'est pas le plus important puisqu'on connaît dès le début comment tout ceci va se terminer. Plus intéressant encore, John Ford n'a pas intitulé son œuvre The man who defeat(t)ed Liberty Valance comme le titre le journaliste Dutton Peabody mais bien The man who shot Liberty Valance, qualification indissociable du sénateur et homme de lois Ransom Stoddad. Ce choix n'est pas anodin puisque John Ford vient bien démontrer combien la démocratie américaine se nourrit de ses mythes et comment celle-ci s'est fondée sur la violence.
La mise en abyme offerte à travers le personnage du cowboy justicier Tom Doniphon joué par un John Wayne vieillissant mais toujours aussi bon permet une piste de réflexion très intéressante. Incarnation du western et de la conquête de l'Ouest, l'acteur semble jouer son propre rôle tant les réactions de Tom Doniphon correspondent à l'image que le spectateur peut avoir du mythe de John Wayne.
Évidemment, inutile de préciser qu'à aucun moment l'ennui ne guette, que la perfection de la mise en scène suscite l'admiration, ou encore que la photographie lumineuse s'associe merveilleusement bien à l'ensemble.
Pourtant, il y a bien un défaut à ce film : le didactisme. Le manifeste à l'encontre de la politique spectacle ou encore la leçon sur les mérites de la démocratie sont particulièrement lourds et démontrent presque une forme de naïveté de la part du réalisateur.
Retenons avant tout qu'en enterrant lui-même le genre qui aura fait son propre succès et celui de son acteur fétiche (John Wayne), John Ford termine de parfaire sa légende de la plus belle des façons.