Certainement l’un des plus grands westerns du cinéma, d’une mélancolie sans équivalent dans le genre. Porté par un superbe noir et blanc et la réalisation toujours aussi discrète et efficace de John Ford, le scénario d’une grande justesse offre une réflexion intéressante sur des sujets aussi divers et variés que la vérité, la culpabilité, le sacrifice, la vieillesse, la presse, l’éducation ou la politique et sa corruption.
Les personnages bénéficient d’une réelle profondeur, impression renforcée par le jeux des acteurs. Le personnage le plus intéressant est bien sûr Ransom Stoddard, merveilleusement interprété par un James Stewart qui laisse de côté son image de droiture personnifiée pour un personnage plus trouble. Il hérite d’ailleurs d’un des rôles les moins « statiques » du film, passant de la naïveté totale au début (illustrée par la réplique « l’alcool c’est mauvais » ou par son refus de porter une arme) à une certaine forme de corruption de par sa haine de Liberty Valance et de son désir de justice (puisqu’il commence à s’entraîner au tir). Il n’aura d’autre choix que d’accepter un « compromis » dans sa quête de justice pour mettre hors course ce dernier. Ce qui peut d’ailleurs nous conduire à une morale plus que douteuse qui voudrait que la violence réponde à la violence et soit nécessaire.
John Wayne interprète quand à lui Doniphon, personnage qui s’oppose à Stoddard tout au long du film au point qu’on finirait par se demander si le vrai duel de l’histoire n’est, non pas Stoddard (la justice)/Valance (la loi du plus fort), mais plutôt Stoddard (la justice par la légalité)/Doniphon (la justice par la force). Ce duel est d’ailleurs mis en image par le combat des deux hommes pour gagner le cœur d’Hallie, superbement interprétée par une Vera Miles. A la fois fragile et forte, elle représente à elle seule la société qui, de la loi du plus fort passe à la loi tout court, processus symbolisé par la fin de l’analphabétisme d’Hallie grâce à Stoddard (représentant de la civilisation).
Les second rôles ne sont pas en reste, le shérif et Peabody apportant la touche d’humour salutaire au film, et ce dernier représentant en plus le quatrième pouvoir : la presse. Le casting est donc parfait, y compris John Wayne que je ne porte pourtant pas dans mon cœur.
Le duel final, passage obligé de tout western qui se respecte, est quand à lui moins traditionnel et manichéen qu’il n’y paraît de prime abord
et ce grâce à la présence de non pas deux mais trois adversaires.