Cela faisait plusieurs années que John Huston songeait à mettre en scène L'Homme qui voulut être Roi, imaginant d'abord Humphrey Bogart et Clark Gable dans les rôles principaux, et c'est en 1975 qu'il concrétise cette envie, proposant ainsi l'une de ses plus remarquables réalisations.
C'est dans les Indes dans les années 1880 qu'il nous emmène d'abord, là où un journaliste va rencontrer deux amis et ex-officiers de l’armée Britannique qui lui révèlent qu’ils veulent prendre le pouvoir dans le royaume interdit du Kafiristan alors qu’aucun blanc n’y a mis les pieds depuis Alexandre le Grand. Capable de briller dans les tous les genres, John Huston revient ici vers le film d'aventure, là où il avait déjà montré son talent à plusieurs reprises comme en témoignent Le Trésor de Sierra Madre, Moby Dick ou encore L’odyssée de l’African Queen.
Au delà même du film d'aventure, c'est une étude de la nature humaine qui l'intéresse, ici autour de la fascination qu’exerce le pouvoir et comment il peut modifier le comportement et être capable d'aliéner un homme, plus encore que l'argent. C'est aussi la religion qu'il attaque, tout en ne tombant jamais dans le manichéisme alors qu'il met aussi en scène la cruauté et l'obscurantisme des autochtones qui paraissent inébranlable, face à des tentatives anglaises pour les dominer. C'est Huston lui même qui co-écrit le scénario, et il montre à nouveau tout un véritable savoir-faire dans ce domaine, sachant mêler réflexion et aventure, toujours avec intelligence et subtilité.
Somptueuse fresque, L’Homme qui voulut être roi brille notamment par ses personnages, à l'image du duo alchimique mis en scène, où Huston oppose l'un qui sera peu à peu emporté par la folie du pouvoir face au pragmatisme et la flegme typiquement anglaise de l'autre. Tous les protagonistes sont bien écrits et étudiés, Huston arrivant à faire de saisissants portraits, sachant en capter l'essence et les rendre aussi passionnants qu’intrigants.
La mise en scène est remarquable, le metteur en scène de La Nuit de l'iguane sachant créer une ambiance totalement prenante, limite indescriptible, intense et souvent mystique. On est immergé dans l'oeuvre avec fascination alors qu'il arrive à faire ressortir toutes les sensations et réflexions des enjeux et personnages, L'Homme qui voulut être roi étant en plus parcouru par un souffle épique immersif. La réalisation de Huston met parfaitement bien en valeur les paysages alors que la reconstitution est tout simplement grandiose, tant pour les décors que costumes ou participants.
Il montre à nouveau tout son talent pour bien raconter une histoire, sachant mener son récit et amener les rebondissements avec grand brio. Tout est parfaitement bien maîtrisé, que ce soit la technique derrière la caméra, les plans ou encore la bande-originale de Maurice Jarre qui colle parfaitement aux images. Alors qu'ils ont déclaré que c'était leur film préféré, Michael Caine et Sean Connery se montrent tout simplement brillants devant la caméra, sachant retranscrire toutes les particularités des personnages tout en les rendant attachants, alors que les seconds rôles, à l'image de Christopher Plummer, leurs rendent bien la réplique.
Immense, mystique et intense fresque, L'Homme qui voulut être Roi permet à John Huston d'étudier la nature humaine tout en proposant une oeuvre d'aventure d'une rare puissance et intelligence, sachant nous immerger avec émotion au plus près des personnages.