Aux Indes, deux aventuriers (Sean Connery et Michael Caine) partent à la recherche de la contrée légendaire du Kafiristan, dans l’espoir d’en devenir les rois et ainsi de trouver richesse et pouvoir jusqu’à la fin de leur vie.
Commençant comme un film d’aventures très classique, L’Homme qui voulut être roi met quelque temps à convaincre, laissant craindre par ses franc-maçonnades du début que le film se referme sur lui, fort de ses délires d'initiés.
Fort heureusement, le récit délaisse rapidement cette dimension (elle prend même tout son sens si on fait le lien avec le message contre la colonisation que véhicule le film) pour nous plonger dans une aventure qui, quoiqu’assez convenue, n’en est pas moins efficace. Dès lors se déroule une première moitié sans grandes surprises, mais qui remplit son contrat, agrémenté par l’humour tout britannique dont font preuve ses deux personnages principaux, fort sympathiques.
Mais c’est bel et bien dans sa deuxième partie que le film prend son envol, lorsque le personnage de Sean Connery découvre la mythique cité de Sikandergul et se propose d’en devenir le roi. En effet, si l’action se trouve alors réduite, Huston se lance dans ce qu’il sait faire le mieux : réfléchir sur l’homme, sur sa corruption par l’argent et le pouvoir, et sur sa propre puissance de destruction. Et c’est peu dire que Huston touche juste à ce niveau-là. Car plus que dans un certes bon film d’aventures, c’est là que se situe le véritable cœur du film : dans un drame humain d’une puissance inouïe que Huston met en images sous nos yeux ébahis. Oui, L’Homme qui voulut être roi est une épopée, mais une épopée humaine, et une épopée tragique.
Evitant toute caricature bête, John Huston parvient à restituer avec infiniment de finesse sa réflexion sur les faiblesses de l’homme en nous montrant chacun des personnages tel qu’il est, sans le juger. C’est ce qui rend le final si puissant, tout d’émotion contenue, le spectateur ayant eu auparavant l’opportunité de saisir à pleines mains toute l’âme de chacun des acteurs du drame qui se noue sous ses yeux impuissants.
Un drame poignant et grandiose, transcendé par des acteurs de génie (on ne présente plus les immenses Sean Connery et Michael Caine) autant que par une photographie parfaitement maîtrisée par son directeur Oswald Morris, et que par les décors fabuleux d’Alexandre Trauner, un grand nom du cinéma s’il en est. Visuellement convaincant, musicalement marquant (superbe thème principal de Maurice Jarre), humainement ébouriffant, L’Homme qui voulut être roi fait ainsi partie de ces films qui s’inscrivent durablement dans la mémoire, par leur capacité à laisser une belle empreinte dans l’histoire de la plus belle forme d’art qui soit.