Métempsychose visuelle...
Synopsis:
1938, en Roumanie. Dominic Matei, un vieux professeur de linguistique, est frappé par la foudre et rajeunit miraculeusement. Ses facultés mentales décuplées, il s'attelle enfin à l'oeuvre de sa vie : une recherche sur les origines du langage. Mais son cas attire les espions de tout bord : nazis en quête d'expériences scientifiques, agents américains qui cherchent à recruter de nouveaux cerveaux. Dominic Matei n'a d'autre choix que de fuir, de pays en pays, d'identité en identité. Au cours de son périple, il va retrouver son amour de toujours, ou peut-être une femme qui lui ressemble étrangement... Elle pourrait être la clé même de ses recherches. A moins qu'il soit obligé de la perdre une seconde fois.
Il est un fait avéré: Francis Ford Coppola est un grand, très grand réalisateur. Des merveilles comme Apocalypse Now ou le Parrain n'auront jamais assez de compliments pour les remercier à quel point ils ont apporté des monuments au 7ème art.
Pourtant depuis ces films et après tant d'années, on oublie qu'ils remontent aux années 70 - 80 - 90 et que depuis la vie de Coppola a énormément changé.
Il a monté son studio indépendant (Zoetrope) pour avoir plus de libertés de réalisation, a eu sa fille qui a fait d'incroyables et merveilleux films, Sophia (Virgin Suicides, etc...) mais a aussi perdu un fils entre deux dans un dramatique accident qui a été mis en scène dans Twixt.
Faire des films personnels donc. Et avoir la liberté de créer comme s'il était un débutant peut-on l'entendre dire à droite et à gauche dans ses interviews récentes en 2012.
Youth without Youth, Tetro et Twixt sont une sorte de trilogie de la confession, un pilier d'intimité dans l'univers de Coppola.
Il y parle de la vie en général, de ses angoisses et de ses obssessions, de la perte de l'amour, de la perte d'enfants, du temps qui passe, de cet inlassable et insaisissable temps qui passe.
Lent dans son rythme et contemplatif, Youth without Youth l'est. Le film partant d'une simple idée, d'un simple moment: Et si frappé par la foudre, un homme rajeunissait et obtenait un changement radical dans son corps qui lui permettrait de ganger un intellectuel supérieur, de devenir un übermensch comme dirait un certain Nietzsche?
Tim Roth incarne ce personnage troublé par le temps, troublé par la perte de son amour qui lui disait qu'il ne vit pas dans "le même temps que lui", ne cessera toute une vie de s'interroger sur cette perte de passion tout en continuant tout une vie à rechercher les origines du langage qui lui donneront peut-être des clés sur le sens de la vie, sur son sens de la vie.
C'est ainsi que le film semble être découpé, en 3 gros blocs distincts avec une première partie d'introduction, la nouvelle vie et le déroulement entrecoupé par la deuxième guerre mondiale et les nazis et finalement le dernier bloc par la découverte de sa femme qui semble s'être réincarné dans un nouveau corps et qui lui permettra peut-être, de terminer son livre sur le langage.
Maladroit le film l'est parfait à vouloir se lancer dans tous les sens, à amener des sujets aussi intéressants (selon la sensibilité de tout un chacun évidemment) sur la réincarnation, sur le sens de l'amour à travers les âges, sur le pouvoir de l'esprit sur le corps, sur le prolongement de la vie et sur le sens de la durée de la vie elle-même, sur la possibilité qu'un surhomme existe un jour, et tant d'autres sujets qu'il peut lasser à force.
Néanmoins le point central sur lesquel le film pourrait s'accorder avec le spectateur, acteur voudrait-on dire tant il nous force à nous impliquer dans ces 2H00 est qu'il retourne nos sensibilités et nous confronte face à notre mortalité et au temps qui passe.
Il nous interroge sur ce que nous croyons être ou non la réalité. Il nous remet en perspective le sens et la fatalité de nos vies déterminées.
Proche des philosophies orientales pour lesquelles d'ailleurs un bon moment du film se déroule en Inde d'ailleurs, le film a un parfum de mélancolie triste qui ne nous lâchera tout du long selon que l'on soit réceptif aux tourments ou non de ce personnage qui arrivera sur la fin de sa vie à 88 ans.
À moins que tout celà n'ait été qu'un rêve? L'interprétation reste libre selon nos penchants et nos idéaux de l'existence.
Techniquement le film tourné en numérique est irréprochable de par ses plans serrés, larges ou inventifs tels que ces plans de rêve tournés à l'envers (??), on sent la patte du réalisateur qui adore les belles lumières, l'application minutieuse des instants et de l'espace dans lequel dérivent les acteurs de ce très beau film.
Ajouter à cela une bande-son sublime composée par Osvaldo Golijov; le film a quant à lui été tourné entre la Roumaine, la Suisse (Genève / Zurich et Berne notamment) mais aussi Malte et l'Inde comme précisé en haut font que le dépaysement est total.
Néanmoins l'expérience sur ce film adapté en partie du livre de Mircea Eliade l'auteur roumain ne vous abandonnera sur le chemin que si vous avez un relatif penchant vers l'esotérisme, la philosophie européenne, les films contemplatifs et...les histoires d'amours brisées, la jolie Alexandra Maria Lara vue dans Control d'Anton Corbijn ajoutant s'il le fallait encore, un argument pour ne pas passer à côté de ce film hélas, trop sous-estimé.
Un petit bijour difficile d'accès mais très gratifiant sur le long terme.
Du cinéma d'auteur qui aime caresser l'intellect de ses spectateurs dans le bon sens en somme.
Très recommandable.
Note: 8/10
Trailer: http://youtu.be/l8VfptBUCg0