Décidé à combler mes lacunes cinématographiques, j’ai choisi « L’Homme tranquille » (1952) avec un triple objectif de découverte : le ‘Duke’, sa belle partenaire, la flamboyante Maureen, et surtout le grand John Ford, réalisateur le plus récompensé aux Oscars de l’histoire.
Le film s’ouvre sur une arrivée en gare. Mais attention, point ici de quai en bois aux planches manquantes, point de bicoque délabrée, ni même de moulin à eau au grincement aussi répétitif qu’agaçant. Au contraire, un joli bâtiment est là pour accueillir cet élégant train, et notre héros ne tarde pas à en descendre : Sean Thornton, de Pittsburgh, qui rentre droit d’Amérique.
Car, en effet, nous sommes en Irlande, en gare de Castletown.
C’est sur la petite ville d’Inisfree que Sean a jeté son dévolu. Il fait à la gare la rencontre du petit Michaeleen Flynn, cocher – d’une « Jaunting Car », pour être précis – et grand amateur de whisky, qui le conduit durant les cinq miles qui séparent Castletown d’Inisfree.
C’est l’occasion pour lui, et pour nous, de découvrir les superbes paysages de la verte Irlande qui s’offrent à nous : vallées champêtres, rivières et collines. Ford mêle ici des images de studio, reconnaissables au premier coup d’œil, avec un fond immobile et terne, et prises en extérieurs, magnifiques.
L’effet est immédiat, et nous tombons aussi vite que lui sous le charme pastoral de cette contrée.
Sur la route, au détour d’un pâturage, l’œil de Sean est attiré par la vision fugace d’une bergère aux cheveux de feu, une belle aux yeux d’émeraude qui va vite le hanter.
Le décor est planté, et l’histoire déroule, calmement. Sean, qui compte s’installer à Inisfree, sa ville natale et la terre de ses ancêtres, se heurte tout d’abord à la méfiance des locaux, dont il devra gagner le cœur et l’approbation. Péripéties se succèdent, dans la douce quiétude des cottages irlandais…
Ford réalise ici un vibrant hommage à l’Irlande, dont il est originaire. Autant que ses personnages, il la met en scène, filme avec affection ses rivières, ses forêts et ses champs. La photographie est magnifique, et les paysages fantastiques, filmés en technicolor, seul procédé ici capable de faire honneur à la splendeur de la verte Erin.
De cette Irlande rurale, nous découvrons aussi les villages, leurs habitants et leurs coutumes – pour le moins compliquées, surtout pour notre héros. C’est un cadre manifestement idyllique, où catholiques comme protestants cohabitent en bonne intelligence, passent leur temps à chanter, et ne dédaignent pas un bon verre ou une bonne bagarre…
« L’Homme tranquille » fait partie de ces films qui savent prendre leur temps. Au-delà de l’histoire, au demeurant fort simple, qu’il nous raconte, Ford réussit ici à nous faire voyager avec lui, à nous plonger dans l’ambiance et l’atmosphère d’un petit village irlandais comme si nous y étions. Et en cela, c’est très réussi.