Avant-dernier film de l'immense carrière de John Huston en 1985.
Une grosse dizaine d'années auparavant, Francis Ford Coppola avait tenté une peinture fascinante toute en respectabilité de ces familles immigrées italiennes (dont il était issu) qui constituaient des sociétés structurées (voire féodales) au sein de la société américaine. Là, John Huston reprend le même schéma mais en plus étriqué.
Pourtant, tout commence aussi bien avec un mariage sensationnel sous une musique – splendide – l'Ave Maria de Schubert. Bon, d'accord le Padrone prie tellement pieusement que la caméra, très indiscrète, montre qu'il s'est endormi pendant la messe. Ok, ensuite, comme tout chef de famille qui se respecte, il tente le discours pendant la réception qui se résume à deux mots. Et sa démarche de vieillard cacochyme n'en impose pas vraiment.
Et Huston va nous la faire (la description de la famiglia Prizzi) doucement irrévérencieuse et légèrement parodique. Je dis légèrement parce que le vieux padrone cacochyme tient quand même sa famille d'une main de fer. D'ailleurs, il marche cahin caha sur la marche d'Aïda, quand même. Et il s'émeut encore, à son âge, sur les douces voix sirupeuses d'un opéra de Verdi (je pense car je n'ai pas réussi à trouver la référence).
Tout ceci n'est que la toile de fond car le film concerne, en fait, Charley, le tueur patenté de la famille joué magistralement par Jack Nicholson qui roule des yeux comme jamais. Le tueur – qui n'existe que parce qu'il a signé un pacte de sang avec la famiglia – tombe amoureux d'Irène, une femme (Kathleen Turner) dont il découvrira qu'elle fait le même métier mais qui possède, cependant, une tare. Elle n'est pas sicilienne.
J'adore la première rencontre de Charley et d'Irène au cours du mariage. Nicholson se résout à l'aborder et la caméra l'accompagne avec son profil – genre prédateur à moins que ce soit "le loup" de Tex Avery – vers Irène qui l'observe froidement mais intensément, telle la mante religieuse. Et on se dit que le méchant Nicholson va se faire bouffer tout cru par l'Irène, toute en sucre et en calculs. Et la suite ne cessera de montrer que le personnage de Nicholson n'est pas à la hauteur face à Irène. L'une est une self made woman, sans scrupules, un ordinateur froid mais glamour face à un sanguin qui n'existe que parce ce que la famille Prizzi le tient et le protège par les couilles. Un sanguin qui ne réfléchit justement qu'avec ses couilles. Ce qui est bien mais pas suffisant pour une Kathleen Turner qui a toujours un tour d'avance.
Même son ancien béguin, Maerose Prizzi, petite fille du vieux cacochyme, le Padrone, finit par le mener par le bout du nez (à moins que ce soit aussi par autre chose). Là, c'est Angelica Huston à la manœuvre … Bon, elle est moins glamour. Elle est même nettement scandaleuse pour la respectabilité des Prizzi. Mais c'est une Prizzi qui va jouer sa carte et peut-être gagner la partie, qui sait ?
Son jeu souterrain et vicelard fait merveille. Pas étonnant quelle se soit choppée un oscar de meilleure actrice dans un second rôle.
Tout ça pour dire que le Nicholson, entre Angelica Huston et Kathleen Turner, n'est pas vraiment à la fête …
Pour finir, je pense qu'on peut dire que Huston nous a fait une efficace et assez subtile parodie du film de maffia.
A la différence des "Parrain", où je savoure mais ne ris pas, chez Huston, je savoure mais je ris régulièrement …