L'horloger de Saint-Paul, premier film de Tavernier, possède déjà ce que j'aime le plus chez lui, à savoir les petites choses de la vie de tous les jours qui viennent immédiatement donner de la crédibilité au récit...
Ainsi le film s'ouvre sur un dîner qui a l'air absolument anodin, ça plaisante, on rit de bon cœur, ça parle de politique et les thèmes du film sont déjà là, dans cette conversation. Chez n'importe qui d'autre on aurait eu quelque chose de lourd, d'appuyé, montrant à quel point telle ou telle phrase est importante. Ici, c'est juste dans la conversation la plus triviale, enrobée de toute la trivialité possible qui pourrait entourer n'importe quelle conversation au restaurant entre amis.
Immédiatement les personnages sont vrais et crédibles et on a envie de les suivre pendant 1h45. Il peaufinera ça dans ses autres films, mais l'idée est déjà là et ça marche déjà rudement bien !
Quant au reste du film, je dirais qu'il y a des séquences qui fonctionnent mieux que d'autres, mais là où l'émotion passe vraiment c'est lorsque l'on voit Madeleine, une vieille dame qui auparavant a élevé le fils du héros. La relation avec Noiret fonctionne bien, il la tutoie tandis qu'elle le vouvoie, et elle en sait plus long sur son fils que lui... voir le visage de Noiret pensif, préoccupé parce qu'il se rend compte que cette femme est plus proche de son fils que lui, c'est vraiment touchant.
Et c'est peut-être la force du film, Noiret se rendant compte que son fils est un étranger...
Après bien sûr il y a les échanges avec Rochefort, qui fonctionnent plutôt bien... D'ailleurs Rochefort est toujours abusivement élégant en commissaire (ce qui le rend assez ridicule quand il ne maîtrise pas son chien), tandis que Noiret fait vraiment artisan, ils portent chacun leur classe sociale sur la figure. On sent que Tavernier a vraiment tout fait pour que ça soit crédible, parce que c'est la première chose qui nous emporte dans le film : tout ça transpire le vrai et le vécu.
Là où je dirais que ce film fait moins fort que d'autres plus tard dans la filmographie de son auteur, c'est qu'il manque peut-être encore un peu de rythme.
En tous cas c'est un beau premier film.