Ce n'est qu'au deuxième visionnage que j'ai vraiment "compris" et aimé "L'horloger de Saint-Paul", et malgré l'estime que je lui porte, ce n'est pas un film que je recommanderais, en particulier aux jeunes spectateurs, ni aux néophytes de Bertrand Tavernier.
Il s'agit d'un faux-polar durant lequel il ne se passe pas grand chose, si ce n'est la prise de conscience progressive d'un père (Philippe Noiret).
En parallèle, le spectateur intègre progressivement le propos politique du réalisateur, qui adapte un roman de Simenon en se le réappropriant complètement.
Le premier long-métrage de Tavernier est un film du passé, qui parle d'une époque bien précise, aujourd'hui révolue : lors du tournage, la France arrive à la fin des Trente Glorieuses, cette époque de prospérité économique où la droite est au pouvoir sans interruption depuis des décennies.
Pour des gauchistes comme le réalisateur lyonnais, les questions économiques ne doivent pas occulter les problématiques existentielles, les libertés et les idéologies : il condamne, par la bouche du personnage de Jacques Denis, "ce putain de pays où on étouffe, ce climat de confort satisfait qu'on entretient par tous les moyens".
Tavernier met également en évidence la coupure entre les générations (Rochefort dira "Quand on ne comprend plus ses propres enfants, on essaie de comprendre ceux des autres") : Noiret ne sait finalement rien de son propre fils, d'ailleurs au départ celui-ci ne souhaite ni le voir ni lui parler.
Le film montre la réconciliation symbolique d'un père et de son enfant, quand bien même le prix de ce rapprochement sera très lourd ; Noiret semble heureux à la fin, sa démarche est plus décidée, plus légère qu'au début.
J'ai encore du mal à comprendre le rôle exact du policier incarné par Jean Rochefort : sympathique mais directif, à l'image de la société j'imagine - Noiret finira par le rejeter lors de leur ultime rencontre.
Pour finir, il faut souligner l'identité profondément lyonnaise de "L'horloger de Saint-Paul" - le roman de Simenon se déroulait aux Etats-Unis. Lyonnais de cœur et de naissance, Tavernier ne pouvait envisager de tourner son premier film ailleurs que dans la capitale des Gaules, parfaitement mise en valeur dans toute sa diversité : les scènes filmées le long des quais du Rhône sont particulièrement belles, avec ces vieux bâtiments aux teintes ocres.
A noter enfin que le personnage de l'horloger campé par Noiret fera une courte réapparition dans "Une semaine de vacances", autre film de Tavernier tourné à Lyon.