Je fais partie de la minorité de gens auxquels Beigbeder a toujours inspiré une certaine sympathie. Question de génération, sans doute, puisque j'ai découvert ses bouquins, ses articles, ses prestations télévisuelles à un âge où son ton décalé et son personnage ambigu, cynique et fleur bleue à la fois, me parlaient car ils étaient bien représentatifs de notre époque.
Par la suite, j'ai apprécié l'adaptation ciné de "99 francs" par Jan Kounen, gentiment subversive et parodique, et j'ai même trouvé du charme à "L'amour dure trois ans", autre transposition d'un roman de l'auteur et premier passage de Beigbeder derrière la caméra.
C'est dire si j'abordais "L'idéal" sans a priori négatif, en dépit des retours assez calamiteux lors de la sortie en salle de cette nouvelle adaptation (du roman "Au secours pardon"). Mais cette fois-ci, je n'ai hélas pas adhéré à cette satire outrancière et boursouflée du milieu de la mode, et du capitalisme sauvage en général.
C'est comme si les défauts habituels du style Beigbeder avaient enflé au point de prendre toute la place. Déjà, les personnages apparaissent terriblement caricaturaux, affaiblissant ainsi la vraisemblance et la portée de la charge.
D'autre part, la trajectoire symbolique du héros, avec sa rédemption finale obligatoire, s'avère redondante et prévisible, d'autant que cette réhabilitation apparaît mielleuse et maladroite.
Sans doute également est-ce moi qui ait vieilli dans l'intervalle, mais j'ai souvent eu cette impression désagréable de redite, de déjà-vu. Plusieurs séquences évoqueront d'ailleurs directement "99 francs" (le conseil d'administration de crise, le trip sous stupéfiants...), "L'idéal" flirtant en permanence avec l'autocitation satisfaite.
Certes, ces références constantes correspondent aux obsessions de l'auteur, et constituent sa marque de fabrique.
Par moment, on retrouve d'ailleurs la verve et le sens de la dérision de l'écrivain-publicitaire, qui nous gratifie de quelques trouvailles visuelles et de plusieurs saillies verbales amusantes, mais leur impact se retrouve noyé dans la caricature, les outrances et la faiblesse du scénario.
Une poignée de bonnes idées (le personnage de l'égérie, les allusions au passé de la famille Bettencourt, l'irruption des Femen...) et un regard subversif sur le monde ne suffisent évidemment pas à faire un bon film.
A l'arrivée, "L'idéal" se laisse donc regarder d'un œil distrait, mais ne parvient que trop rarement à susciter le rire ou une quelconque empathie pour ses protagonistes.