Toutes les histoires de Beigbie sont des histoires de rédemption. Comme Saint Augustin, Octave Parango (un quasi-homonyme...) eut une jeunesse agitée. Mais attention il ne s'agit nullement d'une suite de 99F (ni du livre, ni du film de Jan Kounen). Il n'y a absolument aucun lien entre les deux histoires. Il ne s'agit même pas vraiment d'une adaptation (comme c'est affirmé) du livre "Au Secours Pardon", où presque dès le début Octave se confessait à un pope russe, ce qui n'est pas le cas dans l'Idéal. Le livre a fait l'objet d'un gros travail de réécriture (avec l'aide des coscénaristes de 99F) pour une adaptation vraiment dans l'air du temps.


Depuis 99F on a vu beaucoup de critiques de la pub à l'écran, que ce soit le clip d'Evanescence pour Everybody's Fool https://www.youtube.com/watch?v=jhC1pI76Rqo ou des approches plus anciennes comme les parodies des Nuls ou du Saturday Night Live. Mais Beigbie a une plume et connaît bien son sujet, ayant fait carrière chez Young & Rubicam, une agence de pub américaine. Il a donc sa façon de déshabiller l'idéologie de la pub et nous montrer ce qu'elle cache : le fascisme derrière le libertarisme, la standardisation derrière l'authenticité, le vomi derrière les ventres plats, l'esclavage et la quasi-prostitution derrière les rêves des jeunes filles.


Le film s'ouvre sur une grave crise qui touche la multinationale L'Idéal : la publication sur les réseaux sociaux d'une sextape de l'égérie de la marque, habillée en Nazie et fouettant son partenaire. Le comité de crise se réunit dans la war room au siège du groupe. On pense alors à la scène centrale de 99F chez Danone, où Octave essaie désespérément de vendre un spot de pub original, stimulant voire élitiste, tandis qu'Alfred Duler, le PDG de Madone, lui rappelle que ce n'est pas avec de la philosophie qu'il va se débarrasser des 300 000 tonnes de yaourt qu'il doit écouler dans l'année. Ici Octave, l'Art Director dégingandé et nonchalant, est appelé en dernier recours pour la communication de crise de l'Idéal. Il affirme qu'il faut trouver une nouvelle égérie pour la marque, plus authentique, seule solution pour rattraper le déferlement sur les réseaux sociaux de blagues et autres mêmes sur l'Idéal = fascisme.


Même si quelque-part L'Idéal c'est "99F" transposé dans le milieu de la mode, Beigbeder arrive à ne pas se répéter, d'autant que ce n'est pas lui qui dirigeait le premier film. Comme 99F, l'histoire est une histoire de rédemption, mais si la rédemption christique de 99F était tonitruante, avec claquage de porte et bains de sang (le sang des narines chez Madone et le meurtre gratuit à Miami), la rédemption d'Octave dans l'Idéal paraît plus mâture et apaisée.


Ce que j'apprécie chez Beigbeder c'est qu'on ne va pas voir une leçon de morale sur les vraies valeurs, sur la supériorité des femmes, ou sur le nécessaire respect des anciens et de la hiérarchie. Non, on le sait, Beigbie aime le fric, aime les belles go, aime le pouvoir. Mais ses conflits intérieurs qui le tiennent et le tiraillent, il en fait quelque-chose. Le film dépeint la surenchère de fric, d'exploitation de la femme, le corporate fascism, pousse les slogans qu'on nous martèle au ridicule. On hésite souvent entre le rire et l'émerveillement. Et quand on passe à des scènes de campagne profonde en Russie, on hésite encore à rire, tellement on sait qu'Octave ne tiendra pas 5 minutes. Mais une issue de compromis est finalement trouvée, Octave est une fois de plus sauvé, et on se surprend à être ému par Octave / Gaspard Proust interprétant une traduction de Where Did You Sleep Last Night de Lead Belly (la version de Nirvana : https://youtu.be/gOZKz_sPM6U?t=33), ou quand la nouvelle égérie de l'Idéal chante une version dépouillée à la Lorde de Barbie Girl d'Aqua, mettant en regard les rêves des petites filles, et la réalité du quotidien des femmes réelles, dans les bureaux, les usines, les maisons de retraite etc. Seuls défauts, certains dialogues sonnent parfois un peu artificiels, et Jonathan Lambert en directrice générale ne m'a pas convaincu, alors qu'il est excellent en producteur intraitable chez Quentin Dupieux. Au niveau de l'image, les emprunts à Lars von Trier pour les scènes en hyper ralenti avec musique d'opéra sont un peu trop évidents. Visuellement, Beigbeder cherche encore son style. En tout, 8/10 pour un film qui parle intelligemment de notre époque.

OctaveParrango
8
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le 1 juil. 2016

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