La première heure est vraiment intéressante, hitchcockienne. Elle fait la part belle à une critique sociale qui n’est pas dramatisée à outrance, assez documentaire dans son approche. On sonde chez les personnages une profondeur qui n’est pas seulement de façade, une sorte d’humanisme « débile », comme ont su si bien le mettre en scène certains réalisateurs asiatiques de ces dernières décennies.
Malheureusement dès que les antagonistes apparaissent, le niveau de l’ensemble baisse brutalement. La critique devient politique, les longs discours s’enchaînent (qu’est-ce que ça parle pour sortir des lieux communs…), le semblant d’émotion trépasse totalement. On tombe alors dans la dénonciation du système politique russe, des pots-de-vin, des magouilles de bidule qui couvrent celles de machin etc. Et ça ne volera pas plus haut. Tout sera par la suite d’une frustrante banalité.
J’ai été vraiment surpris de voir une telle scission dans la trame narrative, c’est comme si les deux moitiés du film n’avaient pas été réalisées par le même cinéaste. Comme un cheveu sur la soupe, le politique fait subitement irruption dans le fragile édifice cinématographique élaboré jusque-là, et il prend un malin plaisir à le démolir sans concession.
Reste quand même une utilisation des plans-séquences maîtrisée, et une ambiance à la Black Coal que je n’étais pas mécontent de retrouver, bien que la tension peine dans l’ensemble à se construire. Ce n’est pas un mauvais film donc, juste un film très médiocre dans sa façon de voir les choses, ou plutôt de les montrer et de les faire dire : une constante du cinéma russe contemporain, semblerait-il.