L'Idiot
6.9
L'Idiot

Film de Akira Kurosawa (1951)

Dostoïevski charcuté à Hokkaïdo

L'Idiot est un film bien difficile à noter… Déjà, il faut dire qu'il a été charcuté par la production, qui trouvait le film original trop long (près de 4h30 quand même, contre les presque 3h actuellement). C'est donc un film incomplet, dont la copie originale qui respectait le roman de Dostoïevski a été perdue semble-t-il à jamais (même Akira Kurosawa ne l'a pas retrouvée dans les archives du studio 40 ans plus tard). Le début du film, du moins ce qu'il en reste, est particulièrement difficile à regarder, avec des pans entiers de scénario résumés en quelques panneaux indicatifs.

Il a quand même des qualités indéniables, celles de Kurosawa : des plans superbes (le pont enneigé au-dessus d'une voix ferrée peu à peu enfumé par un train), des travellings audacieux pour l'époque, une ambiance réussie, ici glaciale tant pour le climat (Hokkaïdo en hiver) que pour les relations entre les personnages. Surtout, le film est connu pour réunir deux mastodontes de l'époque dans un même film, Setsuko Hara et Toshiro Mifune. Ils ont certes joué ensemble dans deux autres films mineurs, mais seul L'Idiot nous est vraiment parvenu. Et à ce jeu-là, c'est Hara qui l'emporte : dans un rôle inhabituel pour elle, une mauvaise fille aussi volage que menaçante, elle est parfaite. C'est pourtant seulement son deuxième (et dernier) film avec Kurosawa, alors que Mifune, très bon mais un ton en-dessous, est déjà bien installé dans la troupe. Il fallait savoir s'imposer dans ce boys club...

Les défauts sont évidents : c'est long, c'est lent, c'est pas franchement intéressant. Comme dans ses premiers films d'après-guerre, Kurosawa se perd dans de longs plans de déambulations qui cassent le rythme déjà précaire du scénario. Ce dernier n'est pas des plus palpitants, l'histoire tourne vaguement autour d'un carré amoureux, avec en leur centre l'Idiot, attiré à la fois par une toxique jalouse maladive et par une cinglée dépressive, et cette dernière, elle-même attirée par ce benêt un brin simplet (mais gentil, presque Suisse en somme) et un bad boy torturé. Et c'est tout. Les relations se font et se défont, ils tournent en rond en grelottant car il fait froid, ça ne dit pas grand chose des êtres humains qu'on nous présente, à part que quand on est trop gentil et sans filtre, c'est bizarre en société. Bien vu Sherlock. Vraiment, l'Idiot est un ovni cinématographique.

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il y a 6 jours

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Samji

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