Devant le film, j'ai poussé des "oh" de surprise et j'ai un peu eu les larmes aux yeux parfois. Comme devant un dessin animé pour enfants. La stop motion est nickel, le montage percutant, la musique merveilleuse, le sens des lumières impeccable. Les références au cinéma japonais bienvenues. Certains plans restent gravés dans la mémoire. En un sens, le film est réussi, j'imagine.
Mais. Une fois sortie de la salle, l'enchantement s'est assez vite effacé.
D'abord, parce que les personnages sont fades : motivations simplistes des personnages principaux, caractère des chiens qui tient sur une ligne (je ne parle même pas des femelles dont le concept tient toujours en deux mots : love interest), méchant sans aucun caractère. DIfficile, dans ces conditions, de s'attacher.
La forme passe avant le fond dans L'Île aux chiens - un travers qui commençait à se manifester depuis quelques années chez Wes Anderson. Ce souci restait supportable dans The Grand Budapest Hotel. Je me demande si le réal' ne vient pas de franchir le point de bascule vers une "burtonisation" de son style : reproduction à l'infini d'un cahier des charges comprenant symétries centrales, écriture jaune et tutti quanti.
Ensuite, parce que ce qui devait être la nouveauté du dernier film d'Anderson par rapport aux précédents - son message politique - est fondamentalement inintéressant. On a, vite fait, le droit à une critique de la désinformation, une critique du pouvoir autoritaire, une critique d'une société intolérante envers une part de la population. De la part de Wes Anderson, effectivement, c'est neuf. Mais si maigre. Le message politique, très consensuel, peut se résumer en un grossier "la dictature c'est pas bien" griffonné en grandes lettres d'écolier sur des lignes Seyes.
J'avais déjà eu cette décevante impression devant La Forme de l'eau. Il y a un cinéma américain aujourd'hui qui tente de critiquer Trump, mais qui n'ose pas trop se mouiller : on reste dans du commentaire politique mou, et on évite tout conflit d'idées qui pourrait nuire au succès du film.
Si les péripéties des chiens sur l'île, et l'univers qu'y déploie Wes Anderson, émerveillent, le film peine à faire vibrer des émotions plus profondes que "oh le pauvre toutou". Et à peine le film fini, il ne reste en mémoire que quelques plans, réussis, quelques sourires face au regard de Chief quand il aboie "I bite".
Je taille, je taille, mais finalement je me rappelle que Wes Anderson n'est pas un cinéaste révolutionnaire déterminé à chambouler Hollywood. Si son intention était simplement de faire un divertissement, un peu onirique - un peu poétique, accessible aux enfants, en rendant hommage au cinéma japonais, le pari est réussi. Il ne faut pas trop en attendre de Wes Anderson.