J'aime beaucoup ce genre de film lent et répétitif, où la même chose se produit en boucle, surtout lorsque c'est sublimé par une mise en scène et une photographie de haut vol. La contemplation de l'effort, le labeur, la beauté des corps et des paysages, c'est ça qui fait la beauté de l'Île nue.
Alors certes on pourrait trouver le parti pris d'avoir des personnages qui ne parlent pas entre eux et donc un film sans dialogue, un film où l'on a juste de la musique, quelques bruitages, où parfois les personnages chantent, mais sans avoir de discussion entre eux, un peu extrême. On n'est pas dans quelque chose de réaliste malgré la contemplation du travail.
Mais c'est cet extrémisme qui donne la force au film, qui donne la force aux plans où l'on voit ces gens mener leur vie quotidienne dans le silence. S'ils parlaient ça aurait ôté toute la magnifique austérité du film, toute l'épure qui est si belle.
D'ailleurs le film correspond parfaitement à ce que disait Bresson, le cinéma parlant a inventé le silence. Ce silence qui renforce encore la violence du quotidien, des coups du mari, parce que dans ce calme toute action voit sa portée démultipliée.
J'aime aussi la narration, toujours sans dialogues, avec juste parfois un texte pour indiquer qu'on a changé de saison car elle réussit à raconter quelque chose de profondément tragique sur la difficulté de reprendre la vie quotidienne après un drame, le tout, bien évidemment, sans trop en faire, avec une grande sobriété et pudeur.
La manière avec laquelle l'époque à laquelle du film se passe est suggérée est également assez brillante. On commence sans indication d'époque et voir ces paysans vivre sans eau, sans électricité, seuls sur leur île laisse à penser que l'histoire peut se situer il y a plusieurs siècles et puis on voit un bateau moderne dans le fond... Sans doute l'histoire se passe au moment où le film a été tourné, au début des années 60. Cette indication temporelle ne fait que renforcer le tragique de cette histoire de personnes condamnés comme les Danaïdes à porter l'eau et à arroser continuellement ces plantations ou ce tonneau percé sans que rien ne change alors qu'au dehors le Japon se développe.