4eme long métrage de Robin Campillo, l’île Rouge met en scène l’ île de Madagascar, souvent décrite comme la plus belle au monde malgré la pauvreté écrasante qui s’y abat, sur laquelle le réalisateur a vécu enfant, au début des années 70, à travers la famille Lopez résidente sur une base militaire française.
Au delà du thème, assez original et du choix du cadre rarement représenté au cinéma, c’est la direction du projet qui interpelle.
Premier geste plutôt pertinent, le choix du protagoniste principal, Thomas Lopez, sûrement l’alter ego de Robin Campillo à l’époque.
Benjamin de la famille, c’est à travers ses yeux que l’on suivra la cohabitation et la vie sur la caserne, observant les adultes s’adonner a leurs activités habituelles : festivité, jalousie, rapports hiérarchiques et questionnement de soi.
La scène de danse fragmentée en est le parfait exemple entre désirs, vengeance et jeux de regards toujours sous les yeux de Thomas, derrière une vitre opaque dont seules les formes et couleurs se distinguent, se mouvant au gré des morceaux de Nate King Cole
Au milieu de cette réalité, l’insertion des scènettes (très franchement réussies quoique parfois longuettes) sur Fantomette, se deroulant dans des lieux réels de la vie de Thomas ( l’église, la maison..) donne régulièrement un second souffle à ce paysage malgache certes sublime mais assez construit, contemplatif et dans lequel l’ennui est souvent proche.
L’ensemble de la distribution n’est d’ailleurs pas en reste :
Nadia tereszkiewicz rayonne en femme de militaire, mère au foyer protectrice, et Quim Guietterez est parfait en adjudant sévère, autoritaire mais peu gradé sensible aux regards des supérieurs et dont les seuls rapports avec ses enfants seront matériels au travers de cadeaux multiples
Mais d’où vient donc la frustration ?
Et bien de cette diversité d’histoires a raconter, de souvenirs dont Robin Campillo pourrait nous abreuver pendant plusieurs heures. Mais ici, le film dure 2h et si voir Madagascar à travers le prisme d’un enfant apporte une poésie et une sensibilité majeure, le colonialisme et la dimension politique ne peuvent être traitées avec l’égard qu’ils auraient mérité.
En résulte 20 min finales totalement décalées avec le reste du panorama proposé depuis 1h30, traitant du sujet frontalement en brandissant Gallieni sur un bout de papier, chantant le départ des français et ressassant l’importance de l’émancipation malgache de manière très verbeuse.
La romance entre l’ ouvrière malgache et un des militaires français n’est elle aussi finalement qu’ anecdotique, et le temps accordé à caractériser ces personnages semble bien trop faible pour que nous spectateurs puissions y trouver un intérêt final.
Dommage pour ce film subtil beau et rêveur, marqué par une photographie sublime et traitant des thématiques familiales du couple et de l’enfance avec un certain brio, mais brouillon et archetypal sur les relations entre indigènes et colons.
La multiplication des thématiques abordées aura probablement nui au ressenti global du film, qui en devient décousu et finalement assez pauvre scenaristiquement, dont on ne cerne pas la direction finale et qui laisse un goût d’inachevé.
Un joli film frustrant.
7.5/10