Un premier long métrage visuellement somptueux, pendant oriental des splendeurs de Marienbad filmées par Alain Resnais quelques temps plus tôt...
Auteur au style particulièrement aride Alain Robbe-Grillet nous plonge avec L'immortelle dans une totale fantasmagorie istanbuliote, sublimant la capitale turque au gré de lignes de force et de cadrages quasiment architecturaux. Dynamitant le récit au point d'y incorporer d'énormes incongruités ( sens saisissant du faux raccord, répétitions de bribes narratives, structure proche de la spirale onirique constituée de jeux d'échos...) Robbe-Grillet s'affranchit de toute contrainte pour mieux nous délivrer une première oeuvre d'une singulière liberté artistique.
Entre l'opulence des décors naturels ( rarement une ville aura été aussi magistralement filmée par son réalisateur qu'avec L'immortelle ) et l'abstraction des dialogues ce drame atypique évoque aussi bien les recherches narratives et dramatiques du cinéma de Jean-Luc Godard que l'érotisme et la puissance fétichiste des films de José Bénazéraf ( autre cinéaste contemporain de Alain Robbe-Grillet ). Si l'on passe outre l'aspect redoutablement conceptuel de la conduction du récit L'immortelle réserve son lot d'éclats formels. A noter la magnifique composition musicale co-écrite par Georges Delerue, au diapason des ruines orientales desquelles Robbe-Grillet tire de ravissante(s) nouvelle(s) vague(s)...