Aucun réalisateur n'a réussi mieux que De Palma à me faire apprécier les films de gangsters. Dix ans après le cultissime Scarface, il refait appel à Al Pacino pour son ultime film de mafia.
Le personnage d'Al Pacino dans L'Impasse, Carlito Brigante, est le némésis de Tony Montana. Tandis que le second est une étoile montante de la mafia, le premier est un vétéran repenti qui évite au mieux d'avoir affaire dans ses galères passées. Les deux personnages se ressemblent sous beaucoup d'aspects, tout en étant opposés. Et Al Pacino est absolument parfait dans ses deux interprétations ; en fait, il joue deux personnages assez similaires, comme si Carlito reflétait l'avenir d'un Tony Montana qui aurait survécu.
Sean Penn vient renforcer le casting, dans un rôle délicieusement insupportable. Mais la grandeur du film repose également sur la caméra de De Palma, aux angles et mouvements parfaitement millimétrés. Au même titre que la caméra prend parfois la place de Carlito par une vue subjective, elle nous décrit également les sensations éprouvées par celui-ci, comme la perte de contrôle par une légère inclinaison, voire la mort par un retournement total.
On voit dans cette élaboration à la fois complexe et limpide tout le génie de De Palma : mettre la qualité de la réalisation au service de l'amateur comme du spectateur avide de divertissement.
L'Impasse fait preuve à la fois d'un suspense insoutenable (la course-poursuite dans la gare surpasse, à mon goût, celle des Incorruptibles) et d'émotion. Je ne trouve pas que faire ressentir le spleen ou la mélancolie soit un des points forts de De Palma, mais ça fonctionne dans ce film, tant le personnage d'Al Pacino est impuissant, et se retrouve, quoi qu'il fasse, confronté à son passé et forcé d'être fidèle à ses mœurs.
Tandis que dans Phantom of the Paradise le personnage observe avec désespoir l'être aimée à travers une fenêtre et sous la pluie, Carlito la contemple également, mais avec un soupçon de regrets et surtout de rêves. L'Impasse est un avant tout un film qui parle de rêve et d'idéal, un idéal toujours recherché par Carlito, cet espoir qui lui donne la force de se repentir, bien qu'il soit continuellement rattrapé par son destin.
Toutefois, si toutes les scènes finales de L'Impasse sont irréprochables et sûrement parmi les meilleures courses-poursuites de films de gangsters, c'est un film qui met tout de même du temps à se mettre en place. Mais plus on avance, et plus on approche le point de non-retour. Une fois franchi, ce n'est que du régal.
Tout en rendant un vibrant hommage à Scarface, Brian de Palma réalise un des films de gangsters les plus fameux qui soient, offrant au passage quelques scènes exemplaires au niveau de leur mise en scène.