Un homme meurt sur le quai d'une gare. Il ne voit pas l'ange qui l'accompagne mais regarde ça, cet homme qui meurt, cabrón, c'est moi.
Je glisse doucement.
On me tire vers le sol, j'ai toujours eu la mort aux trousses et ce soir, je suis de l'histoire ancienne.
Ma vie défile en même temps qu'elle quitte mon corps.
Mon ange pleure tout près de moi. Mais elle pleure quoi ?
La légende ? Carlito Brigante, l'intouchable de Spanish Harlem, qui s'en va avant de réaliser son rêve de rédemption... ?
Ou Charlie ? Ce vrai moi qu'elle a percé à jour ?
Ce porto-ricain à la langue bien pendue qui lui a brisé le cœur une fois, déjà...
On me tire vers le sol ! Regarde ça !
Gail, mon ange, ma dernière danse ne sera pas dans tes bras, c'est la mort qui veut me faire danser la samba.
Les jolies danses sont rares. On l'apprend trop tard.
Mais n'aie crainte, je n'ai pas peur. J'ai fait mon temps et il y a pire que la mort pour des types comme moi. Vivre toute une vie sans croiser la route d'un ange, tu vois, c'est bien pire que d'être là, dévoré par le froid.
Dans une autre vie, je le sens, je ne sais pas pourquoi, mais le monde aurait été à moi.
Regarde-moi, je meurs loin de tes bras.
Une ombre fatiguée, vestige d'un autre temps, somnambule enferré dans un rêve qui s'échappe.
M'en aller avec toi, ma Gail, juste toi, je n'en ai pas eu le temps.
Regarde-moi comme la rue, ma rue, m'a toujours regardé.
Je n'avais pas d'amis dans ce monde de merde mais je t'avais toi.
Je suis déjà mort plusieurs fois et je suis toujours revenu.
Mais ce soir je ne veux pas.
Je veux juste m'endormir, une dernière fois dans tes bras.