Au fur et à mesure que le temps passe, mes manquements en termes de culture cinématographique se réduisent. Il y a encore du chemin à faire, mais une grosse case a de nouveau été cochée récemment avec L’Impasse de Brian de Palma, nouvelle association entre Al Pacino et le cinéaste américain, dix ans après le culte Scarface. Et si elle n’est pas aussi célèbre que cette dernière, elle demeure un succès aux yeux de nombreux cinéphiles.
Forcément, citer Scarface semblait inévitable pour parler de L’Impasse, et il ne s’agit pas d’une référence posée ici de manière gratuite et opportuniste. Au contraire même, car si les deux films ne partagent pas la même diégèse, ils semblent quasiment indissociables l’un de l’autre. Quand Scarface montrait l’ascension de jeunes gangsters en devenir, L’Impasse expose la réinsertion d’un ancien du milieu qui cherche à fuir et à vivre une vie sans histoires. Comme il a pu le faire dans ses films de gangsters précédents, et d’autres réalisateurs à leur façon, Brian de Palma expose une vision du milieu et son emprise sur deux personnages au parallèle de plus en plus évident au fil de l’histoire.
En réalité, L’Impasse est, en quelque sorte, le miroir de Scarface. On y retrouve cette même image d’un milieu rongé par la drogue, contrôlé par des junkies souvent inconscients des conséquences de leurs actes, ne jurant que par l’intimidation et provoquant des dégâts irrémédiables. C’est l'histoire d'un monde désabusé, sale, où des petits caïds drogués font la loi, loin de l'image des gangsters d'antan, dont Carlito se rapproche. Plus âgé, conscient de ses erreurs passées, Carlito est un sage au milieu des fous, il veut recoller les morceaux, arranger les choses, mais le milieu ressemble avant tout à un vase brisé qui semble impossible à reconstituer. Malgré sa volonté, il est durablement lié au destin du milieu et dans l’incapacité de le quitter définitivement.
L’Impasse reprend des éléments de réalisation caractéristiques du cinéma de de Palma et communs à son Scarface. Très coloré, parfois criard, notamment lors des scènes en boîte de nuit, il s’appuie sur la création d’une tension ambiante qui vise à mettre en lumière cette atmosphère paranoïaque qui baigne dans l’excès. L’Impasse est une sorte de requiem à un monde, un éloge funèbre, au début singulier et au final suffocant. Le personnage de Carlito fait d’ailleurs en partie écho à celui de Rocky Sullivan joué par James Cagney dans Les Anges aux Figures Sales de Michael Curtiz, avec cette même envie de réinsertion et d’utiliser ses connaissances à de meilleurs fins que dans le passé, mais en vain.
La construction du film, commençant volontairement par la fin, permet de lui apporter une résonance toute particulière, lui donnant dès les premiers instants l’allure de la conclusion de quelque chose, la fin d’une ère, la dissipation des illusions, la condamnation à la vie dans un monde de l’ombre, définitivement incompatible avec la société dans lequel il agit. Axé sur l’empathie, L’Impasse donne vie à un personnage mémorable, sorte dommage collatéral provoqué par tous ces rapports de force intenables, jusqu'à ce final dantesque tourné d'une main de maître. Entre la très belle prestation des acteurs et la réalisation efficace de Brian de Palma, on ne peut que saluer la qualité de ce film.