"Bringing up Baby" avait pourtant tout pour plaire : les demi-dieux Cary Grant et Katharine Hepburn à l'affiche, et un réalisateur talentueux, même si je suis assez loin de lui porter la même admiration que certains (ça viendra peut-être cela dit), l'appartenance au genre délicieux qu'est la Screwball Comedy, et surtout un léopard, animal dont on imagine pourtant que la simple présence à l'écran suffit à rendre le film parfait.
Plus sérieusement, les quatre éléments listés ci-dessus sont en fait à peine suffisant pour sauver le film du naufrage : Grant est pas mal en héros naïf, tellement dépassé par les évènements qu'il va peu à peu cesser de lutter contre la folie ambiante (j'imagine que le spectateur est censé suivre la même logique pour avoir une chance d'apprécier l'oeuvre), et Hepburn que je vois ici pour la deuxième fois est encore une fois magique ; réussir à rendre attachant un personnage aussi insupportable que Susan relève de l'impossible, rien qu'imaginer une autre actrice à sa place me file des frissons d'horreur...
Des quelques Screwball Comedies que j'ai déjà visionné, il me semble en distinguer deux types : tandis que les premières développent le côté "romantique" et mettent au travers de quelques scènes choisies l'émotion et le développement des sentiments des protagonistes au premier plan (style "It Happened One Night"), et celles qui font plus de l'histoire d'amour un prétexte pour mettre en avant situations et dialogues savoureux ("Design for Living" de Lubitsch en est le meilleur exemple). "Bringing up Baby" appartient clairement à ce dernier type tant David et Susan semblent traverser le film en courant sans jamais se regarder, sinon lors d'une malheureuse scène dans les bois et lors d'une des conclusions les plus grotesques que j'ai pu voir.
Une romance peu ou mal développée n'est bien entendu pas synonyme de ratage, mais par contre ils faut assurer niveau potentiel comique... Running gags pas drôles (ce qui est un quasi-pléonasme, cela dit), utilisation récurrente du gag suivant, qui représente le degré zéro (*) de l'inventivité drôlatique : *un personnage tombe par terre* (rires), ou encore superposition de quiproquos lourdingues à l'infini : "Bringing up Baby" loupe clairement le coche à ce niveau également. Seuls les dialogues décalés offrent quelques francs sourires, et encore leur réussite vient plus de l'interprétation qu'en font les acteurs (Hepburn en tête) que de la finesse de leur écriture, loin d'égaler celle d'un Lubitsch.
En fin de compte un film qui ne tient que par son duo de vedettes, et qui, à mon avis, usurpe assez largement sa réputation. Je trouve également Hawks décevant dans le registre comique pour l'instant, après un "Gentlemen Prefer Blondes" peu convaincant... Gageons que l'illumination sera pour la prochaine fois !
(*) Enfin, c'est que je pensais avant de voir "Astérix aux Jeux Olympiques", ou il s'agit du moment le moins pathétique...
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