En 1980, cela fait déjà cinq ans que le cinéma d’exploitation surfe sur le succès des Dents de la Mer. Requins, piranhas, crocodiles et autres alligators ont déjà envahi les océans, les lacs, les rivières et les écrans. La bonne idée de ce titre tardif est de situer l’intrigue au cœur de New York, reprenant ainsi une légende urbaine selon laquelle de drôles d’animaux vivent dans les égouts de la ville. Plutôt qu’un récit lumineux avec des vacanciers ou des baigneurs imprudents, le film est donc plus noir, plus glauque et donc plus flippant sur le papier. Dans l’exécution, l’ensemble se révèle très appliqué mais pas assez recherché pour atteindre son but. Contrairement à d’autres titres, L’Incroyable Alligator semble avoir misé une grande partie de son budget sur son reptile. Si celui-ci est remarquablement réaliste (même quand il casse des maquettes en plastique), il semble avoir conduit les producteurs à faire l’impasse sur un scénario autrement plus abouti. Le film est, en effet, une addition de scènes attendues même s’il pense faire mouche en multipliant les scènes gore. Autour, c’est un peu le vide sidéral et on peine à s’intéresser aux personnages.
Heureusement que Robert Forster fait, comme toujours, le job, et qu’il se trouve plutôt avantageusement entouré. Entre l’habitué des séries B Michael V. Gazzo, le petit rôle tenu par Henry Silva en chasseur d’alligator en plein cœur de Manhattan et la jolie Robin Riker, la distribution est réussie. On se désintéresse, en revanche, très vite de l’idylle attendue et bancale entre les deux personnages principaux, d’une intrigue secondaire sous-jacente et caricaturale avec des hommes hauts placés et pollueurs à leurs heures perdues, ou encore des difficultés rencontrées dans son boulot par notre flic de service qui passe son temps au fond des égouts dans tous les sens du terme. Tout cela désagréablement le remplissage.
Le résultat n’est pas désagréable mais souffre d’un air évident de déjà vu. Si certaines scènes jouent la carte du second degré, l’ensemble se veut quand même trop sérieux pour se présenter comme un pur spectacle. Le final, grotesque, n’arrange rien en ce sens-là. Lewis Teague, sûrement parce qu’il tenait entre les mains un monstre plutôt crédible a voulu jouer la carte de la terreur. En misant sur le simple divertissement, il aurait sûrement accouché d’un film plus convaincant.