Une vie pour un palais. Ferdinand Cheval fait partie de cette catégorie d'hommes qui mettent tout en œuvre pour réaliser le projet fou qu'ils portent en eux. Quoi qu'il arrive, quoi qu'il se passe dans leur vie, il faut qu'ils agissent, comme s'ils étaient possédés par une force intérieure qui leur dicte ce qu'ils doivent faire. Tant qu'ils n'auront pas réalisé ce qui les absorbe entièrement, ils ne trouveront aucun repos. Construire est une nécessité vitale pour ce petit facteur de province. Sa réalisation dans une construction relève de l'obsession; il agit comme un autiste fixé sur une tâche jusqu'à ce qu'elle le libère. Le comportement de ce facteur, renfermé sur lui-même, vivant dans ses rêves, rappelle celui d'un autiste. Aujourd'hui, on reconnaît que la création est souvent liée aux hauts potentiels et, pour certains d'entre eux, à une forme d'autisme. L'art brut, dans l'histoire, a souvent été réalisé par des personnes considérées comme des simples d'esprit ou les fous du village. S'engager dans une telle œuvre révèle certainement une part de folie. Posséder cette différence peut effrayer, car leur cerveau fonctionne plus rapidement dans certains domaines. Il fonctionne surtout différemment des autres.
La vie singulière de cet homme mérite largement d'être portée à l'écran. Cependant, Nils Tavernier se contente de retracer les moments forts de la vie de ce facteur comme le ferait une fiche Wikipédia. Le réalisateur aligne tous les grands moments de la vie de cet homme peu ordinaire, les uns derrière les autres, sans prendre soin de les présenter finement, faisant défiler le temps en empilant les drames les uns après les autres. La masse de travail accomplie par le facteur Cheval est visible, mais le palais ne se suffit-il pas à lui-même pour le montrer? Cheval était différent, mais à part son mutisme, on ne sait pas grand-chose de lui. La nature lui parlait bien plus que le monde des humains, certes, mais Tavernier et ses scénaristes survolent trop le personnage. Il manque de profondeur. Et ce ne sont pas les interprètes qui apporteront plus de crédibilité à l'histoire. Lætitia Casta n'a rien d’une actrice, c'est une catastrophe, elle ne sait rien jouer. Gamblin passe son temps à plisser les yeux, comme le fait Zinedine Soualem dans La Maison du bonheur, ce qui est assez ridicule. Lecoq joue, comme toujours, de manière médiocre. La petite Alice est la pire de tous, elle a une attitude d'enfant d'aujourd'hui, capricieuse et autoritaire. Les auteurs ont certainement observé leurs propres enfants pour apporter ces traits de caractère. L’ensemble des acteurs est assez mal choisi, il faut dire. On peut une fois de plus observer que tout va de pair : une mauvaise affiche, un mauvais scénario, un mauvais réalisateur et de mauvais acteurs. Le projet aurait pu être beau, mais il n'est qu'un téléfilm pour grand-mères qui veulent se souvenir des temps durs. Des temps où la campagne était la seule et unique chose.