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Je ne m’attendais pas à ce qu’un jour Louis Garrel, un des représentants les plus marqués, volontairement ou non, du cinéma bobo parisien intra-muros, en vienne à réaliser et à jouer l’un des rôles...
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le 23 oct. 2022
46 j'aime
9
Le film dégage une sincère sensibilité et est vite très attachant.
La première force du film est ses personnages. Leur introduction est d'ailleurs très intelligente puisqu'elle laisse le spectateur prendre connaissance de leur situation et de leur passif plutôt que de multiplier les scènes de mise en place. Les premiers que l'on découvre, dès la scène d'introduction, sont ceux de la mère, interprétée par Anouck Grinberg, et du fils, Abel, joué par Louis Garrel. De même, l'introduction du personnage de Clémence, dans une scène semblable, est intelligente car elle prend le parti de laisser le spectateur déterminer la relation qui unit les personnages. Dans les premières secondes où le spectateur la découvre, elle peut aussi bien être une simple collègue qu'une amie, qu'une sœur, qu'une ancienne conquête. Le film joue très vite sur cette ambiguïté propre aux relations humaines et il faut plusieurs minutes d'attention au spectateur pour comprendre que Clémence est une amie de la copine décédée d'Abel. Ce qu'on apprend sur le personnage de Clémence permet donc de nous en apprendre davantage sur celui d'Abel. Ce jeu sur le possible et l'interconnexion des relations entre les personnages du film témoigne d'un réel travail d'écriture et d'une considération bienvenue pour le spectateur. Le dernier personnage est Michel, détenu dont tombe amoureux la mère qui va être le déclencheur de l'intrigue puisqu'il va, à sa sortie de prison, payer un local pour ouvrir une boutique de fleurs avec la mère. Mais il doit organiser, en contrepartie, un dernier coup pour une connaissance afin de rembourser ce local. Abel et Clémence vont se retrouver impliqués dans cette affaire, initialement malgré eux.
La deuxième force du film, déjà aperçue ci-dessus, est la justesse de l'écriture des dialogues qui animent les relations entre tous ces personnages. L'amour protecteur et bienveillant qui unit la mère et le fils offrent, dès la scène d'ouverture, des moments réellement touchants. Cet amour implique un accueil méfiant et suspicieux de Michel par le fils. Ces relations alimentent la comédie du film puisque l'excentricité de la mère et la méfiance du fils sont exagérés et répondent parfaitement à la roublardise à peine dissimulée de Michel. Toutefois, c'est vers un axe plus sensible que nous emporte le film. L'histoire entre Abel, sa femme défunte et Clémence est celle qui témoigne le plus de l'intelligence de l'écriture du film. Abel et Clémence sont deux être blessés qui s'attirent sans le savoir et le procédé qui les amène à s'en rendre compte lors du vol de caisses de caviar est une belle trouvaille. Ils se retrouver à jouer, dans un restaurant, le rôle d'un couple qui se dispute afin de détourner l'attention d'un homme. La fiction et la réalité s'entremêlent pour eux et une écriture millimétrée permet de jouer sur ces deux plans et d'en brouilleur les contours autant pour eux que pour les spectateurs.
C'est d'ailleurs la troisième force du film dont je voudrais parler ici. Il y a une volonté dans la mise en scène de jouer avec les codes de différents genre. Plutôt que de laisser basculer le film vers une douce comédie romantique, le film fait jouer à ses personnages la comédie romantique. Cela était déjà vrai à différentes reprises auparavant. La première séquence de filature pendant laquelle Abel traque Michel répond du même procédé. Louis Garrel s'amuse à enchaîner les scènes typiques, presque clichés, du film noir américain. Abel est dans un taxi et suit, incognito, la voiture de Michel. La scène se caractérise par plusieurs fondus de la voiture suivie et du visage d'Abel en plan rapproché. C'est enfin le cas lors du braquage puisqu'on sent que Louis Garrel prend du plaisir à impliquer tous ces personnages dans un braquage digne d'un film de gangster. Ce plaisir se diffuse sans aucune difficulté au spectateur dès la préparation du braquage, lorsque Louis Garrel s'amuse une première fois à transformer ses personnages en metteur en scène lorsque Michel fait répéter leurs rôles à Abel et Clémence.
En jouant autant sur l'écriture, sur ses personnages et sur sa mise en scène, le film est une sincère déclaration d'amour au cinéma et il est impossible de rester indifférent devant.
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Créée
le 26 nov. 2022
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