Le jeune cinéaste russe Ivan I. Tverdovsky montre depuis ses débuts une certaine attirance pour les personnages en marge, rejetés par la société, à l'image de son héroïne dotée d'un appendice caudal dans l'étrange Zoologie. Dans son troisième film, Jumpman, c'est un adolescent, sorti de l'orphelinat, qui devient le complice d'une vaste arnaque destinée à faire chanter des citoyens pleins aux as. Cette fois-ci, le portrait du personnage principal, peu accentué du point de vue psychologique, et c'est son point faible, laisse beaucoup de place pour une critique assez radicale de la corruption des systèmes policier et judiciaire russes. Mais Tverdovsky ne le fait pas à la façon d'un Zviaguintsev ou d'un Bykov, son cinéma est plus allusif, presque onirique, par instant, et en tous cas rarement explicite. C'est ce qui fait la fragilité de Jumpman mais aussi sa force, un film jamais appuyé et qui laisse de la place à l'imagination. Cependant, le constat est glacé : le jeune garçon est plus heureux dans l'environnement de l'orphelinat, où il trouve au moins un compagnonnage solidaire, que dans l'immensité moscovite où tous ceux qu'il côtoie sont impitoyables et cupides, à commencer par sa mère qui semble dénuée de tout sentiment d'affection. Est-ce la société qui en a fait des êtres insensibles ou leur caractère qui a rendu la société aussi dépourvue d'humanité ?